Dans la mire de Lemire
C’est avec son regard toujours pénétrant sur l’actualité que Daniel Lemire et ses personnages légendaires reprendront les routes du Québec pour le plus grand bonheur des amateurs d’humour cinglant et efficace.
Contrairement à une tendance très en vogue chez les humoristes, le nouveau spectacle de Daniel Lemire ne sera pas articulé autour d’une thématique particulière, histoire de ne se fermer aucune porte. Cela étant dit, un phénomène fréquent le préoccupe : la propension qu’ont certaines personnes à nous tirer collectivement vers le bas. «Le spectacle est constitué en grande partie des thèmes qui sont dans l’air du temps. Mais il y a des choses qui me touchent de façon plus forte. Depuis un an, je suis consterné par les forces de l’inertie. J’ai vu sur YouTube un politicien du Texas, pro-pétrole évidemment, qui disait dans une assemblée : “Il ne faudrait pas installer trop d’éoliennes, parce que ça va ralentir le vent!”» sourit notre pince-sans-rire préféré, qui s’intéressera aussi à nos absurdités bien québécoises et à l’actualité internationale.
«Le problème, c’est le renouvellement. Mais comme humoriste, c’est une grande chance d’avoir ces personnages qui sonnent une cloche chez les gens et, en plus, j’adore me mettre dans leur peau.»
Daniel Lemire, à propos de ses célèbres personnages (Ronnie Dubé, Oncle Georges, Yvon Travaillé)
Dans ce spectacle intitulé 100 % Lemire, il sera aussi question de la religion et des islamistes. «Je ne suis cependant pas un cave. Je n’apporterai pas une représentation de Mahomet pour piler dessus ensuite», poursuit l’humoriste dont le dernier spectacle original remonte à 2010.
Et pour notre plus grande joie, les personnages fétiches que sont Ronnie Dubé, Oncle Georges et Yvon Travaillé reviendront. «Le problème, c’est le renouvellement. Mais comme humoriste, c’est une grande chance d’avoir ces personnages qui sonnent une cloche chez les gens et, en plus, j’adore me mettre dans leur peau. Ronnie? Je l’ai créé à l’époque pour que Géo, un personnage imaginé par Pierre Verville (et inspiré du vrai), ait quelqu’un à recevoir à son émission sur la télé communautaire. C’est un mélange de personnes rencontrées dans ma jeunesse et de moi-même, tandis qu’Oncle Georges est totalement fictif, bien que ses mimiques me furent inspirées par un de mes professeurs (de latin) au secondaire», précise l’artiste.
Dans la foulée, il constate aussi que le milieu de l’humour a bien changé depuis quelques années, notamment en raison de l’offre qui dépasse largement la demande. «Je pense qu’il y a 35 spectacles qui roulent en ce moment», mentionne le comique, qui n’a jamais étudié à l’École de l’humour et qui, décrocheur de nature, ne s’y serait sans doute pas senti à l’aise.
Pour lui, ce qu’il y a de plus intéressant dans l’humour, c’est la vision personnelle de l’artiste. C’est ainsi que, parmi les éléments très attendus de ce spectacle, Yvon Travaillé fera son retour. «Cette fois, il sera candidat aux élections. Pour lui, Stephen Harper est trop à gauche. Ce personnage me permettra d’aller m’amuser dans l’absurde et de jouer avec le second degré. Pendant les répétitions du spectacle, j’ai introduit un autre personnage dans ce numéro, mais il a créé de la confusion : “Est-ce que Lemire pense vraiment ça?’’ Maintenant, c’est clair que c’est le discours d’un moron», souligne le noble artisan du rire. À voir.
L’humour comme défense
Daniel Lemire a commencé à créer des spectacles grâce à un professeur un peu comédien au secondaire. «Quand tu es pauvre et que tu arrives à l’école avec des vêtements défraîchis, tu risques de te faire ostraciser, fait remarquer l’humoriste. Mais avec l’humour, tu peux retourner cela en gag.»
Une stratégie de survie? «Oui, mais sans m’en rendre compte, précise-t-il. J’ai toujours aimé ça. Jeune, j’écoutais déjà les disques de Claude Landré, de Jean-Guy Moreau et des Cyniques, puis d’Yvon Deschamps. Je me souviens que j’avais 9 ou 10 ans et que j’apprenais leurs textes par cœur, mais jamais je n’aurais imaginé qu’un jour ça me permettrait de gagner ma vie.»
Infos
100 % Lemire
À la salle Pierre-Mercure
De mercredi à samedi à 20 h