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Dancing Arabs: effacer les frontières

Photo: Métropole films

Le réalisateur israélien Eran Riklis porte à l’écran, avec Dancing Arabs, les romans de l’écrivain israélien arabe Sayed Kashua.

Un cinéaste a une responsabilité par rapport à son public, croit le réalisateur israélien Eran Riklis. «Les films ont une longue vie: vous allez au cinéma, vous retournez chez vous, vous y repensez peut-être maintenant, peut-être plus tard. L’impact n’arrive pas forcément tout de suite, mais si le film fonctionne pour vous, il reste avec vous, soutient-il. C’est pour cela que je sens que j’ai la responsabilité d’être authentique et fidèle à la réalité quand je tourne un film, parce que les gens apprennent des choses en allant au cinéma. Bien sûr, c’est une création artistique, donc on a une certaine liberté. Mais il faut quand même le faire de manière responsable, parce que les gens vont se dire: “C’est comme ça dans le film, c’est comme ça dans la vie!”»

Dans son plus récent long métrage, Dancing Arabs, le réalisateur des acclamés Lemon Tree et The Syrian Bride s’intéresse une fois de plus à son Israël natal, mais en se concentrant sur le jeune Arabe au centre des deux livres semi-autobiographiques de l’écrivain Sayed Kashua. Eyad est un jeune Arabe d’Israël qui est accepté dans une prestigieuse école de Jérusalem jusque-là fréquentée uniquement par des Juifs. Rejeté par la plupart, il commencera néanmoins à fréquenter la jolie Naomi en secret, et se liera d’amitié avec un jeune Israélien atteint d’une maladie dégénérative. «Pour moi, le film porte surtout sur les rapports entre les majorités et les minorités, fait remarquer Riklis. Avec l’immigration, la majorité des pays, aujourd’hui, doivent composer avec cette problématique. Et la majorité s’attend toujours à ce que la minorité s’intègre. C’est là-dessus que porte le film. Quand je pense à une histoire, j’essaie de la concevoir à la fois sur le plan local et sur le plan universel. Quand on est très précis dans l’aspect local de ce qu’on filme, je me rends compte que les gens sont capables de le traduire et de le transposer dans leur propre culture.»

«J’aimerais que ce film soit une petite contribution au dialogue entre des gens qui, normalement, ne se parlent pas.» – Eran Riklis, à propos de Dancing Arabs

Cette universalité, le réalisateur l’atteint notamment en utilisant une «arme efficace pour faire tomber les barrières»: l’humour. C’est d’ailleurs le mélange de drame et de comédie qui, dans les livres, avait d’abord séduit Riklis, confie-t-il. «L’humour fait partie de la vie, même si vous habitez une partie du monde plongée dans la tragédie, rappelle-t-il. C’est pour ça que j’ai voulu que la première demi-heure du film, qui se déroule pendant l’enfance du personnage principal et qui est basée sur le premier des deux livres, ait des airs de comédie à l’italienne. Je me suis dit que si les gens arrivaient au cinéma avec des préjugés, une opinion, je commencerais en leur disant, en gros: “Relaxez, vous avez une vingtaine de minutes au début durant lesquelles vous pouvez juste apprécier le film et rire.” Et puis, le ton change tranquillement, et une fois qu’on est dans la partie plus dramatique, ça ne dérange plus parce que les spectateurs sont déjà attachés aux personnages et s’identifient à eux.»

Et «eux», ce sont autant les Arabes que les Juifs, puisqu’aucun des deux côtés n’est démonisé ni idéalisé. Pas parce que le réalisateur voulait à tout prix éviter la controverse, au contraire. «La frontière entre offrir un point de vue équilibré et être ennuyeux est mince, rigole-t-il. Je ne cherchais pas à être “objectif” à proprement parler. Je ne fais pas du documentaire, mais je raconte une histoire de l’intérieur, du point de vue du personnage. Alors j’ai essayé de rendre le film équilibré sur le plan émotif, mais aussi un peu controversé – ce n’est pas une “gentille” histoire.»

Mais sans édulcorer la réalité, le cinéaste a voulu montrer la vie telle qu’elle est au quotidien en Israël. Un quotidien qu’on connaît très peu dans les pays occidentaux. «On pourrait dire que la réalité est un peu plus violente que dans le film, mais j’ai l’impression que quand on montre la violence à l’écran, l’œuvre devient centrée sur cet aspect, explique Riklis. C’est pour ça que je n’ai pas voulu que ce film traite des moments violents, parce que les gens savent qu’ils existent de toute façon.»

Retour en arrière
Les livres sur lesquels se base le film se déroulent dans les années 1980 et 1990, et Eran Riklis a voulu rester fidèle à cette époque. D’abord à cause de l’aspect autobiographique de l’histoire, et ensuite par désir de perspective.

«L’époque en elle-même était intéressante. Ça commence en 1982 avec la guerre du Liban, une guerre assez traumatisante pour les Israéliens et les Palestiniens, observe-t-il. Et dans les années 1990, c’était la guerre du Golfe, qui a elle aussi été marquante. Avoir situé le film à l’époque actuelle aurait fait en sorte qu’on serait entré en compétition avec les événements contemporains, surtout dans un endroit comme le Moyen-Orient, où les choses changent quotidiennement. Enfin… elles changent et ne changent pas – on pourrait situer cette histoire à peu près n’importe quand et ça serait plus ou moins la même réalité, malheureusement!»

Dancing Arabs
En salle dès vendredi

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