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Dheepan: les sentiments exacerbés

Photo: AP

Figure cinématographique hautement respectée, Jacques Audiard n’opte jamais pour la facilité. «Faire un film français parlant tamoul, c’était insensé!» a-t-il lui-même remarqué. Mais pas assez pour l’empêcher de réaliser Dheepan, son septième long métrage. Présentée en compétition cette année, cette nouvelle œuvre de l’homme suit trois Sri-Lankais se faisant passer pour une famille, qui fuient leur pays en guerre seulement pour être confrontés à un autre type de violence: celle des cités françaises.

À la tête de ce trio recomposé, on retrouve le Dheepan du titre. Arrivé en France avec sa «femme» et sa «fille», cet ex-soldat au passé flou commencera par vendre des jouets lumineux en attendant ses papiers. «Deux euros, madame, deux euros.» Puis, il deviendra gardien d’immeuble dans une banlieue parisienne où les deals de drogue, les magouilles et les rapports de force sont choses du quotidien.

Au départ, ce scénario – que Jacques Audiard cosigne avec Noé Debré et son fidèle collaborateur Thomas Bidegain – devait être celui d’«un film de genre, avec un vigilante, un redresseur de torts». Puis, le cinéaste s’est aperçu qu’il n’avait «pas du tout envie de faire ça». Qu’il souhaitait raconter «une histoire d’amour».

Mais on s’entend, une histoire d’amour façon Audiard. Qui n’est pas exempte de violence, de noirceur. «Pourquoi?» a voulu savoir un collègue en conférence de presse. «Cette question m’est souvent posée, et j’ai toujours l’air un peu ingénu en répondant: “C’est vrai ça? C’est violent?” Peut-être que j’ai besoin de ça pour exacerber les sentiments…»

«Ce qui m’intéressait dans ce cas-ci, a enchaîné le réalisateur, c’était de montrer le parcours d’un homme qui, autrefois, se battait pour des raisons politiques et qui finira par se battre pour sa famille. Mais c’est vrai [que dans les deux cas], il y a toujours les mots “se battre”…»

Usant d’éléments du thriller et du film d’action, Dheepan propose aussi un regard sur l’immigration, sur la complexité de l’intégration. «J’aime utiliser le genre comme un cheval de Troie, a précisé son créateur. J’aime quand il y a un cœur un peu sombre qui bat à l’intérieur.»

«Ces gens qui fuient un drame, je ne voulais pas qu’ils aient appartenu de près ou de loin à une culture francophone ou post-impériale. Avec les Sri-Lankais, c’était le bout du monde.» – Jacques Audiard, réalisateur et coscénariste

Ce film serait-il une déclaration politique sur la guerre civile sri-lankaise («qui s’est officiellement terminée en 2009»)? a demandé un journaliste. «Non, je ne pense pas, je suis assez lâche avec ça! a souri Jacques Audiard. Il n’y a pas de déclaration politique. Quand j’ai découvert ce conflit, qui a été épouvantable, absolument atroce, et dont les conséquences ne sont pas encore terminées, j’ai été évidemment bouleversé… mais je me suis saisi de la chose simplement.»

Le but, précise celui qui nous a donné Le prophète et De rouille et d’os, ce n’était «pas de faire un documentaire sur la guerre civile ni un documentaire sur les cités, mais de considérer tout cela comme un papier peint». «Ça fait partie du décor. Immédiatement.»

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