Modernisation du régime de santé-sécurité: il est minuit moins une
Depuis plusieurs mois déjà, l’Assemblée nationale se penche sur le projet de loi no 59 sur la réforme du régime de santé et sécurité au travail. Le CPQ a, comme de nombreux groupes lors de la commission parlementaire, eu l’occasion depuis le dépôt du projet de loi de faire valoir de façon constructive ses préoccupations pour le bonifier.
Le CPQ rappelle qu’avec le temps, le régime s’est éloigné de sa mission d’origine. En effet, le régime prévoyait d’indemniser et d’aider le travailleur à obtenir les traitements nécessaires lorsqu’un accident ou une maladie résultant du travail survenait. Comparativement aux autres provinces canadiennes, le régime québécois est le plus coûteux, le plus lourd et le moins compétitif en termes de délais de traitement.
Le ministre du Travail M. Jean Boulet a fait preuve de courage politique en portant un dossier aussi important pour le Québec. Il a par ailleurs fait preuve d’ouverture et d’accessibilité dans tous les échanges qui ont entouré les travaux. Tant le milieu patronal que le milieu syndical portaient les mêmes ambitions que le ministre : il était temps de moderniser le régime vieux de quarante ans.
Dès le dépôt du projet de loi, le CPQ a activement défendu les attentes de ses membres pour améliorer la réforme, entre autres :
· Le déploiement des mécanismes de prévention et de participation à tous les secteurs d’activités doit tenir compte de la réalité de toutes les entreprises si l’on veut permettre une réduction du nombre de lésions professionnelles;
· Les entreprises doivent avoir la possibilité d’établir des approches multiétablissements dans le déploiement des mécanismes de prévention et de participation afin d’éviter les dédoublements des mécanismes ayant des activités de même nature;
· La nécessité d’une réadaptation avant la consolidation de la lésion qui permet de réduire les risques de chronicisation afin de favoriser un retour prompt et durable au travail;
· L’instauration de balises qui entourent les services de réadaptation permettant d’éviter la surmédicalisation, l’apparition de risques de chronicité de façon à réduire les coûts du régime;
· La nécessité d’un soutien à la recherche d’emploi pour les travailleuses et les travailleurs afin de favoriser un retour prompt et durable en emploi qui réduira le versement d’IRR;
· Le maintien des dispositions d’exception en matière d’imputation afin de permettre aux employeurs de n’être imputés que pour la composante professionnelle d’une lésion.
Malheureusement, après des mois de travaux qui tirent à leur fin, le projet de loi no 59 tel que modifié ne répondra pas à nos attentes et pire encore, aux objectifs fixés par le ministre. Bien qu’on note quelques améliorations à la marge, il y a surtout de nouvelles dispositions qui affaiblissent la capacité de bien gérer le régime. Certaines modifications apportées à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) amplifieront même les problèmes que nous avons soulignés.
Toutefois, alors que la commission parlementaire se penche maintenant sur la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), il est encore possible de sauver la mise. Cela demandera des compromis et des ajustements et surtout, beaucoup de courage politique. Par exemple, certaines propositions sur la table affaibliraient grandement le droit de gestion des employeurs. Celles-ci, si elles étaient adoptées, briseraient l’équilibre nécessaire à un sain climat de travail en entreprise.
Mais ce courage n’appartient pas seulement au ministre. Nous avons collectivement le devoir moral de travailler à nous entendre pour atterrir une réforme qui modernisera de façon équilibrée notre régime de santé et sécurité au travail. Le statu quo n’est pas une option viable pour le Québec.
Même s’il est minuit moins une, il est encore temps de sauver toutes ces années d’efforts.
M. Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ