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Droits fondamentaux et Covid-19: savoir choisir ses mots

Tribune libre
Gabriel Jishad - Collaboration spéciale

Bon… c’est reparti. La quatrième vague de la pandémie laisse déjà présagée de tumultueuses séances d’argumentation virtuelle -ou réelle- (dans la mesure où la santé publique le permet!) au sujet de la controversée notion de liberté individuelle. 

L’on entend déjà aboyer le clan du « J’ai-Des-Droits » en riposte aux commentaires moralisateurs de certains fervents adeptes de l’Église Legault-Arruda-Dubé. A ce point-ci il me semble pertinent de préciser que l’objectif n’est pas de remettre en question la campagne de vaccination, l’existence de la Covid, l’importance des mesures sanitaires ou la souffrance vécue par bien trop de citoyens et leur famille. L’idée est simplement de rappeler, d’abord, que les enjeux complexes nécessitent souvent des perspectives informées et discordantes, et d’autre part, que nous ne sommes pas actuellement dans un état de néant juridique et politique. De toute évidence nous naviguons dans une tempête houleuse,cependant, plus d’un constitutionaliste nous dira que la boussole a toujours été là à nos pieds, et ce, dès le début de la crise sanitaire. 

Depuis le prononcé par notre Cour suprême de l’arrêt R c Oakes (1986)1, les tribunaux utilisent quotidiennement le même cadre d’analyse pour déterminer quand c’est justifiable de violer la fameuse « libarté » et quand ce ne l’est définitivement pas. Notre régime constitutionnel a souvent exigé que les gouvernements quantifient, balancent, expliquent et pondèrent leurs décisions avant de pouvoir empiéter légitimement sur des droits fondamentaux. À sa plus simple expression, il s’agit de quatre questions fort importantes que nous pouvons -voire devons- poser afin de garantir la nature équilibrée de nos choix de société. 

À la lumière des faits disponibles, l’objectif poursuivi par la loi/règle/mesure est-il urgent et réel? Existe-il un lien rationnel entre ce dit objectif et la règle édictée(ainsi que ses paramètres de mise en application) ? La règle restreint-elle le moins possible le droit fondamental qui fait l’objet d’une violation? Les effets positifs de la règle compensent-ils les effets négatifs de la violation du droit fondamental? 

Sur le plan juridique une réponse négative au « test de Oakes » rend la loi inconstitutionnelle. Cela dit, politiquement ou idéologiquement cette conclusion devrait surtout engendrer un sérieux examen de conscience. Une remise en question chez les décideurs visés, bien sûr, mais aussi, auprès de la communauté dans son ensemble qui verrait en cette tentative une attaque sur leurs valeurs les plus élémentaires. 

Évidemment, les opinions peuvent varier lorsque l’on utilise une telle structure terminologique (bien souvent elles varient chez les juges de la Cour suprême dans le même dossier). N’empêche, ce cadre d’analyse permet d’alimenter un débat d’idées qui est sain, logique et cohérent . Face à une situation sans précédent, les citoyens sont en droit d’exiger des réponses et de manifester des réserves. Cela ne fait pas d’eux des complotistes ou des anti-sociaux. Il est possible de respecter, même, d’admirer la 

gestion sanitaire, tout en en nous faisant pas les disciples du trio de la santé publique. Poser des questions, confronter les sophismes, réviser les faits,et protéger l’harmonie entre liberté et responsabilité, voilà là l’essence de la vie civique dans une démocratie digne de ce nom. Dans ce dur combat pour une gouvernance équilibrée, pour avancer collectivement, ne faudrait-il pas d’abord commencer par choisir nos termes et concentrer nos efforts sur le bon champ de bataille? 

Gabriel Jishad, Juriste de droit public

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