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Tribune libre: Au secours monsieur Legault

lit d'hôpital
Photo: iStock
Jean-Maurice Matte  - Collaboration spéciale

Le paquebot du système de santé est en train de couler et ceux qui avaient réussi à se réfugier dans un canot de sauvetage sont laissés à l’abandon par un ministre de la Santé et un ministère insensible aux réalités du terrain. 

C’est le cas de l’urgence de Senneterre, restée à flot malgré la tempête grâce à des médecins et du personnel infirmier dévoué. Jour après jour, nos professionnels de la santé servent donc à notre urgence 24/7 une population captive, vulnérable et contrainte par les distances et le risque du voyagement. 

L’annonce de la fermeture imminente de l’urgence de Senneterre a plongé la population locale dans un état de choc. L’angoisse s’est installée, non seulement auprès de la population, mais aussi auprès du personnel infirmier. 

Monsieur Legault, l’urgence de Senneterre a un rayonnement quotidien de 12 000 personnes. Comment acceptez-vous que votre ministre de la Santé cautionne sa fermeture, ne serait-ce que temporaire ou partielle, sous de fausses prétentions, sans en mesurer l’impact réel sur la population locale ? Par définition, une urgence ne peut pas être ouverte à temps partiel. On ne parle pas d’un bureau ou d’un centre commercial. C’est l’endroit où on réanime des patients et où on stabilise l’état critique de personnes en danger. 

Monsieur le premier ministre, vous êtes un homme de cœur. Je ne peux pas croire que vous soyez à l’aise avec le message que votre gouvernement envoie aux gens de Senneterre et de ses environs actuellement, comme quoi s’ils ont à subir un infarctus, il faudrait que ça se fasse entre 8 h et 16 h. À défaut de quoi, leurs chances de survie baisseront aussi rapidement que la chaleur dans nos hivers abitibiens. 

Un autre élément troublant, c’est que le personnel médical et infirmier est tenu à l’omerta par le ministère dans ce dossier. On exige d’eux qu’ils demeurent muets. Toutefois, ils m’implorent tous les jours de parler en leur nom pour sauver notre urgence, pour sauver nos citoyens. 

C’est pourquoi je m’adresse à vous directement monsieur Legault. En tant que maire de Senneterre, je porte à vous leur message de désespoir. Tous les jours, on me répète la même inquiétude : « Cette décision coûtera des vies dans notre communauté ». « Nous ne sommes pas en pénurie, nous ne sommes pas fatigués, notre travail supplémentaire est volontaire et non obligatoire et nous sommes vos plus fidèles employés, monsieur Legault ». « Nous n’irons pas travailler ailleurs, nous allons démissionner si on essaie de nous y forcer ». 

Il faut comprendre la réalité régionale, monsieur Legault. Ces infirmiers et infirmières ont choisi Senneterre en raison de sa qualité de vie, en raison du milieu de travail, parce que le stress des grandes villes n’existe pas ici. C’est une communauté tissée serrée et la grande mobilisation pour empêcher cette hérésie l’illustre bien. 

Une autre préoccupation que j’entends vient des médecins. Que feront-ils à 16 h, une fois les portes de l’urgence barrées et qu’un patient en détresse physique ou psychologique arrivera sur place pour avoir des soins urgents ? Devront-ils le laisser dehors ? Vous rendez-vous compte du défi éthique que cela représente pour nos médecins ? 

Et que fera le parent qui doit faire soigner une otite à sa plus jeune vers 22 heures et qui a deux autres enfants à la maison et que le conjoint est parti au travail ? Certainement pas une heure de voiture pour aller attendre 12 heures dans une urgence déjà surchargée à Val-d’Or ou Amos. 

Et au fond, tout ça pour quoi monsieur Legault ? 

Pour récupérer potentiellement quatre personnes de main-d’œuvre indépendante et les affecter dans d’autres établissements en région. Je vous annonce déjà que cette main-d’œuvre indépendante est disposée à réintégrer le secteur public, seulement si elle est affectée à Senneterre. Des gains nets pour le plan Dubé ! De plus, la réorganisation des corridors de soins sont tels que les inconvénients de la fermeture de l’urgence dépassent largement les bénéfices. 

Monsieur Legault, il faut vous saisir personnellement de ce dossier et donner la directive de ne pas toucher à notre urgence. La population de Senneterre va continuer de se battre sans arrêt pour maintenir son urgence ouverte 24 heures par jour, 7 jours par semaine. 

Nous comptons sur vous pour ramener votre gouvernement à l’ordre. 

Jean-Maurice Matte, Maire, Ville de Senneterre 

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