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Comment Haïti s’effondre-t-elle?

Haïti, après le séisme de 2010. Photo: Istock/Claudiad

LETTRE OUVERTE – Haïti tombe dans un «gouffre» depuis deux siècles environ. Pour maîtriser le schéma narratif du roman haïtien, il faut connaître ses péripéties. Pour ce faire, il faut remonter au temps postcolonial. L’énumération de tous les évènements politiques qui ont marqué l’esprit des Haïtiens au fer rouge est sans doute rébarbative «pour celles et ceux qui ne s’intéressent pas à l’histoire». Mais d’un point de vue philosophique, il me tarde de faire sauter aux yeux du peuple haïtien certaines causes fondamentales de la descente aux enfers de ce grand peuple. Par philosophie, j’entends des conceptions qui portent sur tous les grands problèmes de la métaphysique. Un philosophe de l’après-guerre disait que : «Quelqu’un qui ne connaît pas son histoire est condamné à la revivre.» 

Après la mort du père fondateur de la nation haïtienne, Jean-Jacques Dessalines, les dirigeants haïtiens ne peuvent pas fonder un vrai «l’État» en Haïti. Je sais d’emblée que l’approche déontologique de Kant nuit sérieusement aux dirigeants haïtiens, car non seulement ils s’en foutent du devoir, mais aussi ils ne se sentent pas attachés intérieurement au devoir. 

Qu’est-ce qu’un devoir? 

Un devoir est une volonté bonne. Les dirigeants haïtiens n’ont jamais la volonté bonne de fonder un l’État qui peut répondre aux besoins des Haïtiens. 

Qu’est-ce qu’une bonne volonté dans le contexte haïtien?

Une volonté des dirigeants haïtiens qui vaut du seul fait qu’elle recherche le bien pour le peuple haïtien. Les politiciens haïtiens ne se sentent jamais concernés par le sous-développement en Haïti.  

Je veux formuler ma thèse sur ces deux éléments suivants:

1- Par l’impéritie, les dirigeants haïtiens ont foré un trou pour y mettre le pays. Haïti est le pays où quiconque peut accéder au pouvoir sans diplomation aucune. Dans mon pays natal, il n’existe ni le politique ni la politique. Car les dirigeants haïtiens sont tellement incompétents, ils n’arrivent même pas à former une opposition; or, c’est le but fondamental du politique. Pour ce qui est de la politique, ils ne sont pas non plus à la hauteur. En effet, ils ne tentent jamais d’organiser la cohabitation des Haïtiens qui vivent dans le désordre.  

2- L’incurie de l’État haïtien ne passe pas non plus sous mon radar. En Haïti, les gouvernants sont en effet très négligents. Je veux présenter quelques-uns des exemples pour convaincre mes lecteurs : le séisme de 2010 qui a ravagé Haïti fut causé par la négligence de l’État haïtien. « Les dirigeants de ce pays ont assassiné 300 000 Haïtiens ce jour-là, car malgré les multiples avertissements donnés par le géologue, Claude Prepetit, ils ne faisaient rien ». C’est le plus grand génocide de l’État.

Qui plus est, la prolifération des gangs en Haïti est aussi la cause de cette même négligence. Depuis le démantèlement de l’armée, la Police nationale d’Haïti ne peut pas garantir la sécurité des Haïtiens. Elle est impuissante face aux criminels qui forment leur propre gouvernement actuellement. Savez-vous pourquoi? Parce qu’elle est politisée par vous (des politiciens sans conscience). Le Premier ministre Ariel Henry ne dirige pas, c’est le chef gang Barbecue qui contrôle le territoire haïtien. Oui, vous avez bien entendu !

Haïti est taillable et corvéable à merci des gangs. Cela me rappelle de la mythologie romaine : la fondation de Rome par les deux jumeaux, Romulus et Rémus. Mais, en Haïti, le mythe peut être vrai: les bandits ont fait obstacle au Premier ministre qui n’a pas pu déposer son bouquet de fleurs à Pont-Rouge le 17 octobre dernier. Inconcevable!

Le développement d’un pays ne peut pas se reposer sur la conscience de son peuple, mais plutôt de ses dirigeants. En d’autres termes, la conscience du peuple haïtien est nécessaire certes, mais elle n’est pas aussi importante que celle des dirigeants haïtiens pour le développement d’Haïti. 

Dans une société, lorsque le peuple n’a pas la conscience, il peut y avoir un grand désordre certes, mais lorsque ce sont les dirigeants composant l’État qui n’ont pas la conscience, cela peut engendrer l’effondrement même de cette société. Bien que l’un ait besoin de l’autre pour bien diriger une société, il n’en demeure pas moins que la conscience des dirigeants est plus importante que celle du peuple. À titre d’exemple, la pandémie peut me servir d’arguments pour soutenir ma thèse : au Canada, les gens sont réprimandés lorsqu’ils ne veulent plus respecter la distanciation sociale et le port du masque imposés par l’État. Imaginons un seul instant que si ce sont les peuples qui prennent des décisions pour contenir le virus, il se propagera à une vitesse incroyable. D’où l’importance pour un peuple d’avoir des dirigeants qui ont la conscience.

En conclusion, Haïti cannait des « vicissitudes » depuis sa naissance: l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, l’opération d’un commando américain pour voler la réserve d’or du pays, l’occupation américaine, le détournement des fonds par Jean Claude Duvalier, la dilapidation des fonds PetroCaribe par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis 2008 et que sais-je encore.

J’ai fait ressortir dans mon texte la triade qui a pour seule vertu d’effondrer la société haïtienne: l’incompétence, l’inconscience et la négligence des dirigeants haïtiens.

Michel Woodson

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