Paradis fiscaux : l’hypocrisie
Si les paradis fiscaux font les manchettes depuis quelques jours, il serait plus important de tourner notre attention vers un phénomène bien plus grave, dont l’évasion fiscale n’est qu’une des manifestations, soit la croissance des inégalités sociales au Canada.
Au cours des 20 dernières années, la croissance de la richesse a bénéficié principalement aux plus riches pendant que les revenus de la classe moyenne ont stagné.
Les Canadiens composant la tranche du 1 % des plus fortunés accaparent aujourd’hui quelque 13 % des revenus au pays, soit près du double de ce que c’était il y a à peine un peu plus de 20 ans.
Une étude récente a montré que les inégalités sociales ont augmenté ces dernières années plus vite au Canada qu’aux États-Unis, qui sont pourtant le paradis… des inégalités.
Les réformes apportées aux politiques fiscales canadiennes dans les années 1980 et 1990 sont une des causes de l’élargissement du fossé entre la minorité fortunée, qui a été favorisée, et la multitude des travailleurs de la classe moyenne, soit la plupart d’entre nous.
Les baisses d’impôt ainsi que les baisses de taxes de vente décrétées ces dernières années peuvent peut-être avoir soulagé en partie les familles. Mais ceux qui profitent le plus de ces baisses d’impôt sont évidemment ceux qui, à cause de leurs revenus élevés, devraient en payer plus. Les réductions d’impôt contribuent aux inégalités, et ce, d’autant plus que notre régime fiscal est moins progressif qu’il l’était.
Les crédits d’impôt consentis à ceux qui investissent dans des REER et des CELI profitent surtout à ceux qui ont les moyens de mettre des sous de côté.
Les congés fiscaux consentis aux entreprises n’ont pas, contrairement à la théorie, entraîné d’investissements créateurs de nouveaux emplois non plus.
Les plus riches investissent là où cela peut leur rapporter le plus, et ce n’est pas forcément au Canada, ce serait plutôt en Chine ou… dans les paradis fiscaux.
Tout le monde s’est indigné d’apprendre, par l’entremise d’un reportage de Radio-Canada, que 450 Canadiens détenaient des comptes bancaires à l’étranger leur permettant de mettre à l’abri du fisc une partie de leur fortune.
Le gouvernement conservateur de Stephen Harper s’est lui aussi rebiffé, menaçant même la télévision publique de poursuites si elle refusait de lui en remettre la liste.
Cette menace serait risible si le sujet n’était pas sérieux.
Tout comme l’annonce faite dans le dernier budget Flaherty de recourir à la délation pour réduire l’évasion fiscale.
Au lieu de faire semblant de s’offusquer de l’existence d’une poignée de tricheurs, alors qu’en d’autres temps le gouvernement les tolère sans rien dire, il devrait s’intéresser à ses politiques qui contribuent à la croissance de cette classe d’hyper-riches qui disposent des moyens de désobéir impunément aux gouvernements.