Une expérience positive: le télétravail en temps de pandémie
Le télétravail a été «dans une large mesure, quelque chose d’imposé et cela a été, dans l’ensemble, bien vécu», conclut un rapport portant sur les premières semaines du confinement imposé au Québec.
«Plus la pandémie avançait, plus les gens se disaient productifs – une capacité à faire plus de travail – et plus l’engouement pour le télétravail se faisait sentir», relève Tania Saba, professeure à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal et coauteure de l’étude Crise COVID-19 et TÉLÉTRAVAIL: un remède universel ou une solution ponctuelle?
Un Canadien sur deux était en télétravail depuis le début de la crise sanitaire, une expérience très ou plutôt positive pour 79% d’entre eux, selon le sondage Préoccupation face à la COVID-19 effectué par Léger le 21 avril dernier. Pourtant, pour 40% d’entre eux, cela n’a pas été une adaptation facile, entre autres en raison des enfants à la maison.
Remède universel ou solution ponctuelle?
La chercheuse se questionne…Car en dépit des avancées des dernières décennies dans le domaine des télécommunications, le télétravail n’était pas encore une pratique courante. Il s’agissait plutôt d’un mode d’aménagement ponctuel du travail, le plus souvent à la demande de l’employé. «Cette crise sanitaire a permis d’avoir un grand laboratoire où on a testé le télétravail et relevé quels ont été les facteurs d’ajustement et les innovations de ceux qui l’ont vécu», note celle qui est également titulaire de la Chaire BMO en diversité et gouvernance.
Dans le premier volet de son étude, qui couvre la période allant du 24 mars au 17 avril, 1 614 répondants (dont 74% de femmes), détenant surtout un diplôme universitaire (85%), ont partagé leur expérience de travail à la maison. La moitié ne l’avait jamais expérimenté. Résultat: positif pour les plus âgés, les plus expérimentés, ceux qui possèdent de l’équipement informatique et ont une attitude ouverte envers les technologies.
Bénéfices indéniables du télétravail au Québec
Les personnes interrogées ont noté qu’elles arrivaient mieux à concilier le travail et la famille, qu’elles étaient mieux concentrées, que les journées de travail se déroulaient plus facilement même si certaines ont moins apprécié les changements de tâches découlant du travail à la maison. «Elles trouvaient parfois que de faire autre chose dénaturait leur emploi», précise la chercheuse.
Les télétravailleurs devraient pouvoir bénéficier d’un support technique et professionnel de la part de leur entreprise, des mêmes normes du travail que les autres et ultimement, du choix de travailler de la maison ou non.
Mais ce mode de travail pourrait avoir également des côtés négatifs: problèmes d’organisation, difficultés à séparer le temps personnel et le travail, diminution du sentiment d’appartenance ou même des troubles musculo-squelettiques lorsque l’environnement de travail n’est pas adapté à la tâche. Ce qui ressort le plus souvent est l’isolement et le stress, qui peuvent être reliés à la pandémie, mais aussi à un manque d’équipement et de formation. Les chercheurs ont relevé que le soutien aux employés à distance variait considérablement d’une entreprise à l’autre.
«Le soutien était moindre dans les petites entreprises et c’est là qu’on s’est le plus ennuyé de ses collègues. Les plus jeunes trouvaient plus difficile de vivre loin de cet environnement et étaient plus inquiets pour leur carrière que les plus âgés», ajoute encore la chercheuse.
D’autres données et analyses devraient confirmer que cet engouement n’est pas passager. «Les investissements doivent cependant être au rendez-vous. Alors qu’on parle de l’intelligence artificielle, c’est le moment propice pour repenser le travail. Il y a un aspect légal à revoir aussi, car cette nouvelle dynamique d’emploi n’est pas sans conséquence et peut être une lame à double tranchant», sanctionne Mme Saba.
Pour ce qui est de continuer le télétravail, les gens sont 39% à être d’accord, comme le montrent d’autres enquêtes, avec toutefois des taux plus élevés (79% pour Léger). «Il faudra suivre les recherches d’autres chercheurs pour avoir un portrait plus clair de la situation dans les prochains mois», dit l’experte.