Vie privée en milieu de travail, un droit encore à définir
Tests psychométriques, suivis de navigation sur Internet, surveillance vidéo, GPS, surveillance de la frappe, surveillance des médias sociaux, biométrie, dépistage génétique et même filature.
Les outils utilisés par les employeurs pour surveiller les travailleurs sont de plus en plus sophistiqués et parfois invisibles. La vie privée demeure cependant un droit que les tribunaux défendent ardemment.
Depuis l’arrivée de l’informatique et de l’électronique dans nos vies, de nombreux avocats se sont spécialisés dans le domaine du droit à la vie privée en milieu de travail. C’est le cas de Patrick Trent, un avocat de Montréal qui donne de nombreuses allocutions sur ce sujet, en majeure partie à des employeurs avides de connaître les libertés dont ils jouissent.
«Quand je donne une présentation à des spécialistes en prévention des pertes dans des commerces de détail, l’intérêt est très grand», explique-t-il.
L’avocat indique que les technologies de l’information évoluent si vite que les cadres précis sur le droit de gestion de l’employeur et le droit à la vie privée des employés en milieu de travail sont encore à établir. Il précise que les tribunaux ont cependant indiqué à plusieurs reprises certaines limites à ne pas franchir, comme l’installation de caméras pour filmer des employés de façon continue.
«Si un employeur a des motifs raisonnables de penser qu’un employé pose des gestes inappropriés en utilisant le matériel de son employeur, dans ce cas, l’employeur peut aller faire des vérifications, soit en fouillant la boîte de courriels, en effectuant une filature, ou en faisant une surveillance vidéo, par exemple.»
Et cette surveillance peut même se transporter dans les toilettes, si le motif est raisonnable, c’est-à-dire si l’utilisation du matériel respecte la dignité des personnes, que le matériel est utilisé durant une période limitée, et que la façon d’identifier les personnes est fiable.
Avner Levin, professeur à l’Université Ryerson, analyse cet enjeu depuis de nombreuses années. Il constate que les travailleurs sont de plus en plus surveillés et que la question n’est à peu près jamais soulevée par les syndicats. Il ajoute lui aussi que l’enjeu reste encore à définir.
«Grâce aux téléphones cellulaires et aux ordinateurs, les employeurs peuvent maintenant contacter leurs employés en tout temps, rappelle-t-il. Les gens ne travaillent pas seulement de 9 h à 17 h, et cela doit s’accompagner d’un prix que l’employeur doit aussi payer en accordant à ses employés du temps pour leur vie privée et en les laissant utiliser le matériel de travail pour leur vie privée.»