Le nightlife est-il mort? Les DJ sont tannés
Alors que les salles de spectacles du Québec reprennent vie avec la levée des limites de capacité, le nightlife, lui, reste mort… Ou presque. Parce qu’il faut rester assis partout. Même dans les bars. Et sans danse, les clients enchaînés à leur siège, difficile de faire lever le party. Les DJ montréalais en ont ras le bol.
Ça fait bientôt 20 mois que les DJ ne peuvent plus faire vibrer la piste de danse, et ils sont maintenant convaincus que les autorités sanitaires les ont oubliés pour de bon.
Audrey Bélanger vivait exclusivement de sa pratique de DJ avant la pandémie. Du jour au lendemain, elle s’est retrouvée sans emploi et sans ressources.
«Même si on travaille dans les bars et les restos, et qu’on participe grandement à leur atmosphère, on ne rentrait pas dans la catégorie d’aide financière aux travailleurs de la restauration. Les DJ comme moi qui ne produisent pas leur propre musique ne rentraient pas non plus dans la catégorie des musiciens. Je ne répondais à aucun critère de sélection pour avoir de l’aide. Je me suis sentie très délaissée», témoigne-t-elle.
Au moins, Audrey Bélanger et ses amis DJ s’entraidaient et partageaient leurs ressources. Elle a ainsi réussi à récolter quelques dollars.
«Il faudrait qu’il y ait un syndicat de DJ», s’exclame-t-elle en rigolant à moitié.
«Au Québec, on ne comprend pas la réalité de notre industrie. La musique électronique n’est pas reconnue comme une profession en soi, alors que dans d’autres villes, comme Berlin, c’est important sur le plan culturel», renchérit le DJ Kora (Mikael B Robillard), cofondateur de Saisons Musique et artiste mondialement connu.
Pour lui, la piste de danse est un espace de divertissement, oui, mais aussi un lieu d’acceptation et de libre expression sacré.
Se revirer de bord
Certains ont profité de leur longue pause pour créer. C’est le cas du duo Hicky & Kalo (Thomas Gaboury-Potvin et Camilo Rivera) qui, à défaut de pouvoir mixer au Club Stéréo, avec qui ils venaient tout juste de signer un contrat de résidence, s’est concentré sur la production de sa propre musique.
Mais faire grouiller les foules manquait quand même au duo. «Plus le confinement se prolongeait, plus on oubliait les motifs pour lesquels on faisait de la musique de fête. On ne se souvenait plus de ce que c’était d’être dans une foule et de danser. Après tout, on fait de la musique pour partager des moments avec des gens», raconte Thomas Gaboury-Potvin.
D’autres DJ se sont tournés vers le virtuel
«L’univers du live a explosé durant la pandémie, confirme Audrey Bélanger. Avant, les DJ étaient moins portés vers ça. L’approche est authentique. En plus, le virtuel n’a pas de frontière. C’est aussi du matériel que tu peux utiliser par la suite pour te promouvoir et qui va continuer d’exister sur Internet.»
Les enjeux de droits d’auteurs rendaient cependant son travail sur Internet parfois très compliqué, concède-t-elle. Des prestations pouvaient être signalées, des comptes fermés. Embêtant quand le travail d’un DJ est justement de faire découvrir de la musique d’autres artistes.
Gloria-Sherryl François, alias G L O W Z I, a participé à plusieurs événements virtuels pendant la pandémie… jusqu’à ce que son intérêt s’estompe.
Je me rappelle une fois après mon DJ set en ligne, j’ai fermé ma fenêtre Zoom et j’ai vu ma réflexion dans mon écran d’ordinateur… Oh là là… J’ai eu le sentiment de m’ennuyer encore plus du club. J’ai arrêté.
G L O W Z I
Tous les DJ interrogés s’entendent sur une chose: l’expérience virtuelle ne pourra jamais égaler celle dans un bar.
«Les événements en ligne se prêtent mieux à des concepts intimes où une proximité se crée entre le DJ ou le musicien et l’auditeur. La magie du nightlife, pour moi, c’est l’inverse: c’est vivre une expérience commune et spontanée avec des centaines de personnes de tous horizons», croit Alexis Charpentier, dit Lexis, DJ et fondateur des organisations Music Is My Sanctuary et 24 Hours of Vinyl.
Des règles à revoir
Les DJ trouvent particulièrement absurde que la danse soit toujours proscrite, alors que les fans du CH ont le droit de se taper dans la main au Centre Bell.
En attendant, des tables ont pris la place des danseurs sur les pistes de danse. Dès que des clients se lèvent pour se dandiner un peu, des agents de sécurité les font se rasseoir aussitôt.
Des propriétaires de boîtes de nuit, dont STEREO MONTREAL, organisent d’ailleurs une manifestation le 23 octobre prochain afin de faire pression sur les autorités pour rouvrir les dancefloors.
«J’ai eu la chance d’aller jouer quelques DJ sets en Europe il y a un mois. Là-bas, on scanne le code QR à la porte et, pour le reste, c’est plutôt revenu à la normale. On voit que ça fait beaucoup de bien aux gens, assure Lexis. C’est certain que ça m’a donné encore plus hâte au moment où le nightlife reprendra sa place cruciale dans la vie montréalaise.»