La cuisine juive à Montréal, bien plus que Schwartz’s et des bagels!
Qu’on vive à Montréal ou qu’on y soit de passage, on sait que la cuisine juive a fait sa marque dans la métropole avec le smoked meat et les bagels. Mais il y a tellement plus!
Solidement installée à Montréal depuis plus de 150 ans, la communauté a ouvert son lot de restaurants et autres commerces alimentaires où l’on peut manger des plats typiques de la tradition ashkénaze, population juive dont les ancêtres ont vécu en Europe de l’Est.
«La cuisine juive la plus reconnue en Amérique du Nord vient de la communauté ashkénaze, mais la cuisine juive est vraiment diverse, précise Kat Romanow, historienne de la cuisine juive et l’une des fondatrices du blogue The Wandering Chew. Les Juifs ont des communautés à travers le monde: on peut trouver de la cuisine italienne juive, mexicaine juive… Ce qu’on connaît ici, c’est vraiment juste une partie!»
Petit tour d’horizon.
Wilensky’s
«C’est un restaurant qui a été ouvert par Moe Wilensky, dont la famille a immigré depuis la Russie. Au début, il vendait des cigares, des journaux, des choses comme ça. C’est son fils qui a commencé à vendre des sandwichs, le Wilensky’s special. C’est encore ce qu’ils vendent aujourd’hui: un sandwich sur un pain qui ressemble un peu à un muffin anglais, mais plus grand et plus jaune, parce qu’il contient des œufs. C’est rempli de salami de bœuf, de bologne de bœuf et de moutarde, puis c’est mis dans une presse à sandwich pour être servi chaud. C’est un plat iconique à Montréal – même Anthony Bourdain est allé manger là – mais ce n’est pas un plat typique juif; on le trouve seulement à Wilensky’s.»
34 avenue Fairmount Ouest
Depuis 1932
Site web
Snowden Deli
«C’est un endroit qui est très fréquenté par la communauté juive de toutes les générations. Ils servent du smoked meat, oui, mais aussi des plats typiques de la cuisine ashkénaze. Il y a le borsch (la soupe de betterave), le gefilte fish [du poisson haché et bouilli, souvent mis en boulette], le karnatzel (une sorte de saucisse séchée), les blintzes (des crêpes roulées avec du fromage sucré)… Le Snowden Deli, c’est un incontournable dans les célébrations. Quand mon fils a eu son bris (la cérémonie de circoncision des bébés), on a commandé tous nos plats de leur traiteur: on avait du foie haché, des party sandwiches aux œufs et au thon… Pour beaucoup de gens de la communauté, c’est une cuisine confort. On ne va pas nécessairement en manger tous les jours, mais ce sont des plats traditionnels qu’on achète pour le shabbat ou des célébrations.»
5265 boulevard Décarie
Depuis 1946
Site web
Cheskie
«C’est une boulangerie casher, mais elle n’est pas juste fréquentée par des juifs hassidiques. Parmi les choses à essayer, il a le babka [un gâteau brioché, souvent au chocolat], le rugelach (un biscuit qui a l’air d’un petit croissant à différentes saveurs), les cheese crowns (une pâtisserie au fromage sucré à la vanille)… Les vendredis, on trouve aussi le pain challah, qu’on mange pour le shabbat. Quand on y va dans la période d’Hanouka, on peut trouver les soufganioth, qui sont des beignes farcis, et ils ont les hamantaschen [biscuits associés à la fête de Pourim] à l’année longue! Le fondateur, Cheskie Lebowitz, est un juif hassidique qui est venu de New York pour se marier. Son frère a ouvert une boulangerie à Brooklyn, Schomie’s Heimshe Bakery, alors quand il est venu s’installer ici, Cheskie a décidé d’en ouvrir une aussi. On y trouve donc les black and white cookies, qui sont new-yorkais et très rares à Montréal.»
359 rue Bernard Ouest
Depuis 2002
Hof Kelsten
«La aussi, le challah est bon, et ils vendent également des babkas. C’est une boulangerie juive moderne qui a été ouverte par Jeffrey Finkelstein. Jeffrey a travaillé en Espagne, où son surnom était Hef, qui est devenu Hof, et Kelsten vient de son nom de famille. Hof Kelsten, c’est son nom! Cette boulangerie est un parfait exemple de comment la cuisine juive influence la gastronomie montréalaise, parce que ses pains se retrouvent dans plusieurs restaurants. Pas tous ses pains sont juifs, mais quand même! Ils font des pâtisseries pour Roch Hashanah (le Nouvel An juif) et Pessah (la Pâque juive). Ils ont aussi un sandwich de brisket, le brisket étant un plat traditionnel qu’on mange pour les fêtes. Ils font aussi la matzah ball soup [un bouillon de poulet avec des boulettes de matzah, une sorte de craquelin traditionnel de la Pessah].»
4524 boulevard Saint-Laurent
Depuis 2012
Site web
Beauty’s
«Larry, le fils du fondateur Hyman «Hymie» Sckolnick [décédé en 2017], et ses filles, Elana et Julie, gèrent maintenant le restaurant et l’ont rénové. C’est un endroit iconique dans la communauté juive à Montréal. Ce qu’il faut essayer là, c’est le Beauty’s special: un bagel avec saumon fumé, fromage à la crème, oignons rouges et tomates. Mais ils ont aussi les blintzes et le mish-mash, un autre plat à essayer. C’est une omelette avec des morceaux de saucisses à hot dog de bœuf, du salami de bœuf, des oignons caramélisés et des poivrons verts. C’est très salé, mais très bon!»
93 avenue du Mont-Royal Ouest
Depuis 1942
Site web
Arthurs Nosh Bar
«J’aime ça parce que c’est un restaurant moderne. Il y a le new jewish food movement, qui a commencé dans les années 2000. C’étaient des personnes dans la trentaine qui voulaient se réapproprier la cuisine juive avec laquelle elles avaient grandi, mais en la modernisant, en utilisant de bons ingrédients et de nouvelles techniques. Arthurs, c’est excellent. Leur nourriture est très bonne. They are making Jewish food fun and cool. Les propriétaires, Raegan Steinberg et Alexandre Cohen, ont beaucoup d’influence ashkénaze, mais il y a aussi des saveurs marocaines. Un des plats sur leur menu de brunch, c’est les latkes, des galettes qui sont faites avec des pommes de terre et traditionnelles de Hanouka. Ils servent ça avec un œuf poché, du saumon fumé, du caviar… c’est vraiment comme des œufs bénédictine, mais avec les latkes!»
4621 rue Notre Dame Ouest
Depuis 2014
Site web
Pour un petit goût de la cuisine sépharade
Si Montréal n’a pas de restaurant dédié à la cuisine sépharade, c’est-à-dire la communauté juive dont les ancêtres viennent des pays méditerranéens, on peut retrouver des plats typiques ou inspirés de la cuisine juive marocaine çà et là. Outre le Arthurs Nosh Bar, Kat Romanow cite le restaurant Sumac.
«Sur le menu, on trouve la salade cuite, un plat traditionnel qu’on mange pour le shabbat. Ce n’est pas vraiment une salade; c’est plutôt une trempette, avec des tomates, des poivrons rôtis et de l’ail qu’on fait cuire jusqu’à ce que ce soit compoté. C’est une des meilleures que j’ai mangées! Elle a aussi une salade de carottes marocaine: les carottes sont coupées en rondelles, elles sont cuites et mélangées avec de l’huile d’olive, du cumin, de la cannelle… c’est aussi un plat traditionnel qu’on retrouverait sur une table de shabbat d’une famille marocaine juive.»
3618 rue Notre Dame Ouest
Depuis 2014
Site web
Pour cuisiner à son tour
Si on a envie de se mettre à la cuisine juive, on peut s’inscrire aux ateliers donnés par Kat Romanow et ses collègues du blogue The Wandering Chew, Sydney Warshaw et Gillian Sonin. En plus d’apprendre à préparer des recettes traditionnelles, on découvre l’histoire derrière le plat.
Et si l’on cherche des ingrédients qu’on ne trouve pas facilement à l’épicerie du coin, Kat Romanow suggère l’épicerie Métro située sur Queen Mary, près de Décarie, qui «a une section casher assez étendue où on peut trouver toutes les choses dont on peut avoir besoin». Il y a aussi l’épicerie casher Lipa’s, sur l’avenue du Parc, qui sert la communauté hassidique. Mais si on ne mange pas casher, certains aliments, tel le brisket, se trouvent dans des commerces qui ne sont pas nécessairement juifs.