Le Club de bocce l’Acadie mis à la porte
En août dernier, les 450 membres du Club de l’âge d’or Marcelin-Wilson et du Club de bocce l’Acadie ont été avisés par la mairesse Émilie Thuillier que l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville ne reconduirait pas le bail des locaux qu’ils occupent depuis 20 ans en raison du loyer trop élevé. Lors d’un point de presse où l’émotion était palpable, une centaine de membres et des élus d’Ensemble Montréal étaient présents au boulodrome pour interpeller Valérie Plante et empêcher la fermeture du Club de bocce l’Acadie.
Dans les locaux du 10526, boulevard de l’Acadie, des aînés s’étaient rassemblés comme ils ont l’habitude de le faire plusieurs fois par semaine pour converser et faire une partie de bocce, ce sport de boules italien qui rappelle la pétanque. Malheureusement, cette fois, l’heure n’était pas à la rigolade. Ces résidents d’Ahuntsic-Cartierville étaient plutôt réunis pour défendre le milieu de vie qu’ils ont bâti ces vingt dernières années et qui est actuellement menacé.
«On voudrait bien garder notre club. À notre âge, c’est la seule chose qui nous reste», affirme Anna Lorenzi, membre du Club de bocce l’Acadie depuis 20 ans.
Angelina, qui compte autant d’années d’ancienneté, craint de perdre des amis. «Si ça ferme, on n’aura plus de place pour jouer au bocce à l’intérieur. Les membres devront aller ailleurs et on va se perdre de vue.»
Actuellement, hormis le terrain de bocce intérieur du Centre l’Acadie dans Ahuntsic-Cartierville, les amateurs doivent se rendre à Saint-Léonard ou à Rivière-des-Prairies s’ils désirent y jouer tout au long de l’année, ce qui soulève un enjeu d’accessibilité et risque de bouleverser la vie de plus d’un, selon le conseiller de Rivière-des-Prairies, Giovanni Rapanà.
«Le bocce, c’est leur seul exercice physique, le seul moyen de se garder en forme. Ici, on joue au bocce 365 jours par année», souligne l’élu d’Ensemble Montréal.
«Le sport, c’est pour tout le monde», ajoute Alberto Gerrera, la gorge nouée.
«Un manque de respect total»
Lors du point de presse, Cecilia Fazioli, porte-parole du Club de l’âge d’or Marcelin-Wilson, a déclaré qu’à la suite de plusieurs discussions, l’arrondissement s’est engagé à repousser la cession de bail de six mois, pour que celui-ci se termine plutôt en juillet 2023 plutôt qu’au 31 décembre 2022.
Le Club de l’âge d’or Marcelin-Wilson et le Club de bocce l’Acadie pourraient ensuite bénéficier de plages horaires au centre communautaire de Bordeaux-Cartierville et au sous-sol de l’église Saint-Simon-Apôtre. Or, ces deux emplacements ne permettent pas la pratique du bocce à l’intérieur, faute d’installations et d’espace.
«Après une longue pandémie, [l’arrondissement] nous enlève ce qui nous garde actifs mentalement et physiquement en nous invitant à jouer aux cartes à la place», déplore Cecilia Fazioli.
Une invitation qui a d’ailleurs piqué au vif la porte-parole de l’opposition officielle en matière d’aînés, Chantal Rossi.
«Je ne peux pas croire que ça fait deux ans qu’on parle d’isolement des aînés, qu’on parle du besoin de leur offrir des activités, de créer des liens sociaux, de les maintenir actifs et que, pendant ce temps, la mairesse d’arrondissement dit à ces aînés qu’ils auront juste à jouer aux cartes. Ce n’est pas ça qu’ils veulent, ici. Ils veulent bouger.»
Celle-ci a poursuivi en soulevant le manque de considération accordée à ce «club qui fait rayonner nos aînés à Montréal, mais également à l’étranger».
«C’est comme si on disait à un club de natation: ‟On ferme la piscine, mais on va vous ouvrir un terrain de football, donc vous allez pouvoir vous entraîner.”»
Quant au conseiller municipal de Rivière-des-Prairies, Giovanni Rapanà, il a rappelé qu’évincer ces 450 personnes – «cette famille», selon ses termes – exposait celles-ci à des risques accrus d’isolement.
«Quand on arrive à un certain âge, l’isolement est l’ennemi numéro un. La solitude tue», a-t-il conclu, très ému.
L’opposition officielle déposera une motion lors du prochain conseil municipal pour demander à Projet Montréal de procéder au renouvellement du bail du local actuel du Club de bocce l’Acadie ou, à défaut de pouvoir le faire, de fournir à celui-ci l’usage d’installations pour pratiquer le bocce été comme hiver pour une période d’au moins cinq ans.