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Lever le voile sur le tabou de la santé mentale à Montréal-Nord

Le Regroupement d’intervenants et intervenantes d’origine haïtienne de Montréal-Nord (RIIOH) s’attaque à partir de cette semaine au problème complexe de santé mentale chez les Noirs de Montréal-Nord. Les intervenants sont persuadés que le problème passe sous le radar, notamment en raison de certains tabous culturels.

À Montréal-Nord, il n’existe pas de portrait statistique sur les troubles de santé mentale chez les Noirs. « On n’a pas de chiffres, mais étant donné que nous sommes tous des dirigeants d’organismes, on a une idée. Pendant 5 ans ou 10 ans, on a vu des choses qui donnent une idée de la problématique »,, relate la directrice du Centre des Femmes Interculturel Claire et membre du RIIOH, Micheline Cantave. Selon elle, leurs hypothèses doivent maintenant être validées avec des données.

Grâce à un financement de 75 000$ du gouvernement fédéral, le RIIOH engagera deux personnes qui étudieront pendant un an la problématique à Montréal-Nord. Cette subvention provient du programme Promouvoir l’équité en santé : Fonds pour la santé mentale des communautés noires, créé il y a un an.

Si ce programme du gouvernement vise spécifiquement les Canadiens noirs, c’est qu’il existerait un tabou encore plus grand sur les troubles mentaux dans ces communautés, selon Williamson Lamarre, directeur de Café jeunesse multiculturel et membre du RIIOH qui supervisera le projet.

L’influence des croyances culturelles

Pour les intervenants du RIIOH, il existerait aussi un problème sur la façon dont certaines personnes issues des communautés noires interprètent ces troubles, en raison de croyances culturelles. « Si quelqu’un délire, il peut penser que quelqu’un lui a envoyé un mauvais sort, mentionne le directeur du Centre Jean-Paul Lemay et membre du RIIOH, Roger Petit-Frère. Ce ne sont pas les mêmes explications scientifiques. »

Une réunion des membres du RIIOH

« Les parents issus de l’immigration amènent ces pensées-là, pense M. Petit-Frère. Le fait d’être né ici n’enlève pas ces problèmes. L’enfant développe ces croyances parce que sa mère, sa tante ou l’amie de la famille pensent comme ça. »

Un expert consulté par le Guide apporte toutefois certaines nuances importantes.

« La possession et le sort sont des choses qui sont communes à plusieurs cultures et les gens vont amener ça pour donner un sens ou une explication. On entend ces choses-là, explique pour sa part Dr. Abdelaziz Chrigui, directeur de la Clinique de psychiatrie transculturelle de l’Hôpital Jean-Talon. Les êtres humains ont besoin que les choses aient un sens surtout pour les difficultés psychologiques et problèmes psychiatrique. Lorsqu’ils donnent un sens aux choses, il faut pouvoir les écouter. »

Dr. Chrigui précise toutefois qu’il existe plusieurs cultures noires et qu’elles ont leurs différences en matière de croyances. Il ajoute aussi que les éléments culturels sont secondaires dans l’intervention des autorités médicales. « On reste dans l’approche où il faut à la fois regarder le parcours de la personne. Nous avons notre propre trajectoire comme personne humaine et la culture va venir donner une coloration particulière », affirme-t-il.

Consulter et documenter

Dr. Chrigui admet que les ressources surspécialisées en santé mentale avec des éléments culturels ne sont pas assez nombreuses, mais évoque des programmes qui seront mis en place à l’avenir. « Nous avons des jeunes médecins qui demandent à être exposés au transculturel parce que les gens sont conscients que dans les secteurs comme dans notre CIUSSS, on peut avoir 30% à 40% de la population qui est issue de l’immigration et qui n’est pas née au Québec », souligne-t-il.

C’est justement à quoi servira la première phase du projet de la RIIOH : documenter une réalité perceptible par les intervenants et produire un mémoire pour ensuite élaborer des solutions.

Un agent de mobilisation et un agent de développement consulteront la communauté, pendant la prochaine année, dans différents endroits stratégiques de Montréal-Nord.

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