Un médecin «pionnier» dans l’Est prend sa retraite
Le docteur Steve Graham, qui a participé à l’ouverture de la première clinique médicale de l’est de Montréal, prend sa retraite. Ayant réussi à assurer la pérennité de la clinique, ce pionnier qui a passé sa carrière à soigner les familles de Pointe-aux-Trembles veut maintenant profiter de la sienne.
Dr Graham ne renouvellera pas sa licence de médecine en mars prochain. Son apport à la communauté Pointellière a été souligné lors d’une soirée pour rendre hommage à ses 45 ans de service. Faisant encore quotidiennement l’annonce de sa retraite lors de rencontres individuelles avec des patients, il est surpris de leur réaction, dont certains ne peuvent retenir leurs larmes. Cet aspect relationnel de «la plus belle profession du monde», va beaucoup lui manquer.
«J’ai choisi la médecine parce que j’aimais beaucoup les sciences, la biologie. J’aimais aussi le principe d’être ton propre patron et d’avoir l’opportunité d’aider les gens.»
— Dr Steve Graham
Accréditée depuis peu de temps comme un Groupe de Médecine de Famille (GMF), la mission de la clinique de quartier a toujours été d’offrir un maximum de services à la communauté. La dernière tâche du docteur est de faire suivre les dossiers de ses clients à leur nouveau médecin de famille, lorsqu’ils s’en trouvent. «J’en ai encore pour au moins deux ans», affirme-t-il.
Le Centre Médical Montréal-Est a vécu une impasse il y a quelques années. Au bord de la faillite, il ne restait plus assez de médecins dans la boîte pour faire rouler la clinique. Le recrutement a finalement débloqué il y a deux ans.
«Je pense que notre ambiance d’ouverture a aidé», exprime le docteur, soulagé. Il ne pouvait pas s’en aller la conscience tranquille sans assurer la continuité de sa clinique.
Avec six jeunes médecins qui viennent d’embarquer, le Dr Graham trouve que c’est un peu comme si l’histoire de l’ouverture de la clinique se répétait.
Souvenir d’une autre époque
C’est au milieu des années 70 que le docteur Steve Graham a participé à l’ouverture de la première clinique de l’est de Montréal, en compagnie de quatre autres jeunes médecins de sa cohorte. Occasion d’affaires en médecine générale, les cinq soignants ont fait le saut, ne sachant pas si la clientèle allait être au rendez-vous. «Finalement, on n’a jamais manqué de patients», se souvient le Dr Graham, plongé dans son passé.
Steve Graham a apprécié être au service des familles de l’Est, qui a longtemps été considéré comme un désert médical.
Cependant, à l’entendre raconter des anecdotes, on comprend que ça jouait dur dans l’Est.
À 70 ans, le docteur raconte en souriant des péripéties de clinique digne des films hollywoodiens. Il s’est souvent fait menacer pour des prescriptions, par des patients appartenant visiblement à des groupes criminalisés. «Souvent c’était pour des narcotiques», explique le Verdunois d’origine, qui ne se laissait pas impressionner par les motocyclettes.
Reconnaissant aujourd’hui la nature anxiogène de sa discipline, il avait jadis comme dicton que «le travail n’a jamais tué personne». Il est de cette génération qui a cumulé les heures sans compter, finissant rarement ses journées avant minuit. Le domaine a évolué autrement depuis. Aucun professionnel n’a pu reprendre l’entièreté de ses dossiers, puisque les jeunes médecins privilégient leur qualité de vie.
À l’aube de la retraite, Steve Graham entrevoit l’allègement de ses tâches avec sérénité. D’ici là, il profitera de sa maison de la Rive-Sud pour travailler de ses mains, comme faire du jardinage et réparer son garage. Après quoi, il souhaite planifier lui-même des voyages avec sa famille, chose qu’il n’a jamais eu le temps de faire.