Ces étrangers non vaccinés qui préfèrent quitter le Québec
Depuis ces dernières heures, plusieurs étrangers, non vaccinés contre la COVID-19, résidants à Montréal, annoncent leur décision de quitter le Québec ou même le Canada.
Leur réaction fait suite à l’annonce, ce mardi 11 janvier, de la création d’une «contribution santé» imposée aux personnes qui n’auront pas reçu une première dose de vaccin contre la COVID-19 dans les semaines à venir.
Une question de santé mentale
Julie Berger est une Française qui vit au Québec depuis 10 ans, et n’est pas vaccinée contre la COVID-19. «Ce qui m’a fait tomber amoureuse du Québec, c’était le fait que je me sentais accueillie sur une terre de tolérance, de bienveillance et de respect d’autrui.»
La technicienne en pharmacie, qui réside dans le Sud-Ouest près de l’avenue d’Atwater, a obtenu sa résidence permanente et attendait même de recevoir la citoyenneté canadienne. Les plans ont finalement changé avec l’annonce hier de la future «contribution santé».
«En quelques mois, nous avons fait un virage à 180 degrés. J’ai vraiment l’impression que le Québec vire à la dictature» affirme la Française, qui envisage désormais de quitter le Québec. «Je commencerais certainement par bouger dans une autre province, avant un retour en France, proche de ma famille.»
«J’adore le Québec et je me sens plus québécoise que française. Je n’aurais jamais envisagé de partir d’ici, si la situation actuelle n’était pas ce qu’elle est», reconnaît Julie qui évoque aussi un grand mal-être. «Ma santé mentale ne va pas bien du tout. Je n’ai jamais eu de problèmes de dépression, mais là, avec les mesures, cela fait un an que je vis des périodes d’anxiété et d’idées noires intenses.»
La Française, qui est enceinte, dit même être rendue à «avoir peur de mettre [son] bébé au monde au Québec» et remet en question sa volonté «d’accepter la citoyenneté canadienne» alors qu’elle est en attente de la fameuse cérémonie.
Pour discuter de son mal-être et de ses questionnements, Julie vient de créer le groupe Facebook «Les Français éveillés au Québec» destiné aux Français du Québec non vaccinés contre la COVID-19.
«Nous ne sommes pas là pour critiquer les personnes vaccinées, mais bien pour nous soutenir et trouver des solutions ensemble», précise la jeune femme. «Je ne suis pas seule à vouloir partir et compte tenu de l’état émotionnel dans lequel je suis parfois, je pense que l’on peut tous s’entraider et se soutenir mentalement.»
Retrouver sa liberté
Guillaume, lui, est arrivé à Montréal il y a maintenant 8 ans.
Selon le Français qui habite dans Rosemont «le gouvernement pousse la vaccination à tout prix alors que le vaccin n’empêche pas la contamination». «En tant que jeune en très bonne forme physique, j’ai plus de probabilités de me retrouver à l’hôpital à cause d’un accident de voiture qu’à cause de la COVID», ajoute-t-il.
Suite à l’annonce de l’éventuelle mise en place d’une «contribution santé» pour les non-vaccinés, Guillaume a donc pris la décision de quitter le Canada d’ici les quatre prochains mois. «Pour retrouver ma liberté de choix, j’aimerais me rendre en Floride ou au Texas.»
Le Français, qui travaille actuellement à titre de directeur client pour une entreprise dans les technologies de l’information et qui est en couple avec une Québécoise, précise qu’il s’agit pour lui d’une «décision pas prise à la légère».
De son côté, après avoir attrapé une première fois la COVID-19, Melissa, qui réside, dans l’arrondissement Ville-Marie, avait reçu une première dose de vaccin, pour obtenir son passeport vaccinal.
Mais depuis, la Belge, désormais résidente permanente à Montréal, a encore contracté à deux reprises la maladie. Et à présent, elle refuse de recevoir les autres doses. «Je ne suis toujours pas considérée comme protégée de la COVID ici au Canada. Alors qu’en Europe, je suis considérée comme protégée pour au moins six mois. Mais ici, il faut accepter de prendre une 2e, puis une 3e, et bientôt une 4e dose».
«Alors, pourquoi je reste? Pour le travail, où je n’ai même plus de contact social, car je suis en télétravail depuis 2 ans?» s’interroge l’adjointe de direction. «Il n’y a pas eu de débat public sur le passeport vaccinal, et maintenant il y a une taxe pour les non-vaccinés», s’indigne la Belge, qui évoque plusieurs destinations où elle pourrait se rendre après son départ du Québec.
«Les Caraïbes, le Mexique, ou plusieurs pays de l’Afrique. Il semblerait que les pays plus pauvres aient moins de mesures liberticides au regard de la COVID», selon Melissa.
Mais à présent, les personnes non vaccinées du Québec, sont confrontées à l’impossibilité de pouvoir prendre l’avion pour voyager, et quitter le Canada.
Des départs qui se comptent sur les doigts de la main
Du côté de l’union française de Montréal, l’heure n’est pas à l’affolement.
Catherine Lanctôt la responsable des communications explique n’avoir reçu dernièrement que des appels «essentiellement en lien avec des problèmes de retraites, des questions de renouvellement de permis et d’immigration». Même son de cloche pour sa collègue Géraldine Forestier, coordinatrice, chargée des courriels qui confirme n’avoir eu pour l’heure «aucun retour par rapport à cette annonce » NDLR la contribution santé.
Interrogé également par Métro concernant ces récentes annonces de départs de travailleurs, le président et chef de la direction du conseil du patronat du Québec Karl Blackburn se dit même très confiant. «Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un exode massif de citoyens, et je ne pense pas que ce soit des réactions aussi généralisées», rappelant qu’une majeure partie de la population s’est déjà fait vacciner.
Selon lui, pour contrer le phénomène de la pénurie de main-d’œuvre «On doit développer une meilleure habileté pour s’habituer à vivre avec cette maladie, au lieu de fermer nos services et dépenser des sommes folles dans les aides».
Le président du conseil du patronat du Québec rappelle notamment que «La pénurie de main-d’œuvre n’est pas provoquée par la COVID-19, mais bien par la courbe vieillissante de notre population», une situation déjà connue et évoquée depuis des années.
Selon les derniers chiffres de la situation de l’emploi fin 2021, près de 300 000 postes étaient disponibles dans toutes les régions du Québec.