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Saint-Michel: les logements insalubres en hausse

Un agent communautaire lors de l'enquête de 2019-2021. Photo: Courtoisie

Coquerelles, moisissure, souris, rats et punaises de lit se disputent une place dans de nombreux logements insalubres de Saint-Michel, au point où certains locataires baissent les bras. La 2e phase d’une enquête menée par sept organismes du quartier depuis 2014 démontre même une aggravation du problème, notamment dans le secteur proche du boulevard Pie-IX.

Dans leur rapport, qui devrait être déposé à l’Arrondissement d’ici la fin du mois de mai et dont Métro a obtenu copie, le Bureau info logement (BIL) parle d’une «progression des dossiers en insalubrité». Ces derniers sont passés de 21 % entre 2014-2017, lors de la phase 1, à 33 % en 2019-2020 pour finalement tomber à 29 % en 2020-2021. «Cela aurait pu être plus, mais en raison de la pandémie nous avons arrêté les porte-à-porte», note le rapport.

Une locataire m’avait déjà dit lors de cette enquête: moi j’ai une souris à la maison. Que voulez-vous? J’ai décidé de faire la paix avec elle, on cohabite ensemble maintenant.

Yasmine Belam, chargée de concertation en habitation de Vivre Saint-Michel en santé (VSMS)

Mme Belam était en entrevue avec Métro. Le VSMS coordonnait les travaux dans le cadre de cette enquête de terrain sur l’insalubrité dans ce quartier.

Sans moyens face à de «grosses machines»

Mme Belam parle d’une cinquantaine d’adresses d’immeubles autour de Pie-IX très problématiques en matière de salubrité. Mais comment expliquer ce problème propre à Saint-Michel?

Métro a posé la question à trois organismes: le VSMS, le Centre éducatif et communautaire René-Goupil (CECRG) et le Carrefour Populaire de Saint-Michel. Ils répondent en chœur: «les locataires qui sont généralement des immigrants nouvellement arrivés ne connaissent pas leur droit, ne parlent pas bien la langue et ont peur de représailles de la part des propriétaires».

Toutefois, le directeur du CECRG, Andres Barahona, croit que l’Arrondissement aurait pu accompagner les locataires à faibles moyens face à de «grosses machines» devant la Régie du logement, afin de se défendre. «Il pourrait y avoir de quoi qui pourrait être fait», estime M. Barahona en soulignant que bon nombre de ces nouveaux arrivants n’ont pas accès à un ordinateur pour faire leur demande d’inspection ou déposer une plainte.

Les acteurs communautaires évoquent aussi le fait que beaucoup de ces propriétaires sont négligents, «n’habitent pas le quartier et parfois même ils demeurent à l’étranger». La lourdeur des procédures pour déposer une plainte décourage le peu de locataires qui osent entreprendre des démarches.

Procédure de plainte allégée

Avant 2017, les règlements de l’Arrondissement obligeaient les locataires à envoyer une mise en demeure à leur propriétaire, ce qui les défrayait des honoraires d’avocats, avant que des inspecteurs municipaux fassent un rapport.

Depuis la sortie du rapport de 2017, cette étape a été abolie. «C’est à peu près tout ce qu’on a obtenu malheureusement», déplore Mme Belam. «Mais, la chose qu’on pourrait gagner ce serait d’avoir plus d’inspecteurs sur le territoire», ajoute-t-elle.

Actuellement, il y aurait seulement trois ou quatre inspecteurs seulement pour tout le territoire de l’Arrondissement, sans pouvoir réel de faire bouger les choses. «Le plus grave c’est qu’ils n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre pour faire appliquer les règlements sur l’insalubrité», poursuit Mme Belam.

L’Arrondissement a une politique d’intervention qu’il applique. Un propriétaire qui ne fait pas ce qu’il devait faire, cela fait un mauvais dossier. Quand vient le moment pour vendre, cela ne favorise pas un bon prix pour eux.

 Simon Ambeault, directeur général de Carrefour Populaire Saint-Michel

La malpropreté a un coût

L’Arrondissement affirme avoir fait plus que cela depuis 2018. La porte-parole, Rachel Vanier, nous indique dans un courriel qu’un total de 39 bâtiments ont été visés, sur 756 logements, par le Service de l’habitation. «Une nouvelle liste de bâtiments problématiques a été remise au service de l’habitation en début d’année 2023 et des inspections sont déjà en cours», ajoute-t-elle.

Par ailleurs, le Règlement sur la tarification a été modifié en 2020 pour faire en sorte que les propriétaires de logements insalubres paient la facture des inspections.

Les recommandations

Le dernier rapport des organismes sur l’insalubrité ne fait pas moins de sept recommandations à l’Arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension (VSP), mais aussi au gouvernement. Ils appellent à «développer des normes provinciales sur la salubrité, pénales ou réglementaires, et assurer leur mise en application à l’échelle de la province».

Il faudra mieux informer les locataires sur leurs droits et responsabilités en matière de sécurité et de salubrité, renforcer la réglementation en matière d’insalubrité, modifier le Règlement 03-096 ainsi que ses dispositions punitives qui doivent être renforcées.

Enfin le rapport prône une facilitation des procédures de recours en cas de non-exécution. «Actuellement, en cas de non-exécution d’une décision du Tribunal administratif du logement (TAL) à la suite d’un problème d’insalubrité, les procédures de recours sont trop lourdes pour les locataires», observent les acteurs du milieu.

«Dans la grande majorité des cas, le propriétaire averti par le ou la locataire n’a pas fait de travaux pour régler la situation et quand il en a fait, la situation n’a pas été réglée», conclut le rapport de la 2e phase des travaux de recherche.

VSP est l’un des secteurs les plus pauvres de l’île de Montréal et regorge d’immigrants fraichement arrivés au Canada. En 2016, 57 % de ses habitants avaient une langue maternelle autre que le français ou l’anglais. La population est également majoritairement (75 %) composée de familles avec enfant(s). D’un point de vue socio-économique, on note un taux de chômage (13,7 %) plus élevé que la moyenne de l’Île de Montréal (8,6 %). On note également que 30 % de la population vit avec un faible revenu après impôts.

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