L’Arabie saoudite condamne l’«ingérence» du Sénat américain
L’Arabie saoudite a condamné lundi [dimanche soir, heure du Québec, NDLR] le vote de résolutions du Sénat américain hostiles au régime de Riyad, l’une sur le conflit au Yémen, l’autre sur l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi.
«Le royaume d’Arabie saoudite rejette la position exprimée récemment par le Sénat des États-Unis, qui se fondaient sur des affirmations et allégations sans preuve, et contenaient des ingérences flagrantes dans les affaires internes au royaume, sapant son rôle régional et international», a déclaré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué sur le site internet de l’agence de presse officielle saoudienne, SPA.
«Si le royaume d’Arabie saoudite réaffirme son engagement à continuer à renforcer ses relations avec les États-Unis d’Amérique, il exprime également son inquiétude concernant les positions exprimées par les membres d’une instance législative honorable d’un État allié et ami», a ajouté le ministère dans cette longue déclaration.
Les deux résolutions avaient été approuvées jeudi grâce aux votes essentiellement de sénateurs démocrates, mais aussi de quelques républicains.
La première appelle le président Donald Trump à «retirer les forces armées américaines des hostilités au Yémen ou affectant le Yémen, sauf les forces américaines engagées dans des opérations visant Al-Qaïda ou des forces associées».
Dans la seconde, le Sénat «estime que le prince héritier Mohammed Ben Salmane est responsable du meurtre» du Saoudien Jamal Khashoggi, tué dans le consulat de son pays à Istanbul le 2 octobre.
Riyad affirme que le meurtre a été commis sans l’accord de ses plus hauts dirigeants. Les autorités saoudiennes ont rejeté une demande d’extradition turque des suspects, parmi lesquels deux proches du prince héritier Mohammed ben Salmane.
Ces deux résolutions ont été un camouflet pour la diplomatie de M. Trump, très proche du pouvoir saoudien.
Elles ne devraient garder qu’une portée symbolique, car d’une part elles ne devraient pas être débattues à la Chambre des représentants, au moins jusqu’à l’investiture des nouveaux parlementaires en janvier, et d’autre part le président devrait les ignorer.
Mais l’Arabie saoudite a montré son agacement quant à l’opposition à laquelle est confronté Donald Trump au Congrès.
«Le royaume espère ne pas être pris dans des débats politiques nationaux aux États-Unis, afin d’éviter toute retombée sur les liens entre les deux pays, qui pourrait avoir une incidence significative sur cette relation stratégique importante», a écrit le ministère des Affaires étrangères.
L’assassinat de Jamal Khashoggi a terni la réputation de l’Arabie saoudite, et de nombreux pays internationaux ont pris des sanctions individuelles contre des responsables du régime, dont les États-Unis, le Canada ou la France.
Évoquant cette affaire dimanche depuis Doha, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a répété un appel à «une enquête crédible et une punition pour ceux qui en sont coupables».
Le rôle de l’Arabie saoudite dans le conflit sanglant qui déchire le Yémen est également de plus en plus remis en question. Riyad est à la tête d’une coalition internationale qui soutient les forces progouvernementales contre les rebelles Houthis.
Depuis 2014, cette guerre a fait au moins 10 000 morts. Des millions de personnes sont par ailleurs menacées de famine dans ce pays où sévit «la pire crise humanitaire du monde», selon l’ONU.
M. Guterres soulignait dimanche que «le fait que la famine n’ait pas encore été déclarée ne diminue en rien notre inquiétude».
Après la conclusion en Suède vendredi d’un accord de trêve entre belligérants, le roi Salmane et le prince héritier avaient souligné dans une déclaration officielle avoir «apporté leur soutien à une solution politique au conflit».