L’Académie française examine un rapport sur la féminisation des noms de métiers
Gardienne sourcilleuse du bon usage de la langue française, l’Académie française doit examiner jeudi un rapport préconisant la féminisation des noms de métiers, sujet longtemps tabou au sein de l’institution fondée au XVIIe siècle par Richelieu.
Le rapport a été rédigé par une commission présidée par Gabriel de Broglie, 87 ans, composée de la romancière et essayiste Danièle Sallenave, du poète d’origine britannique Michael Edwards et de l’écrivaine Dominique Bona.
Cette dernière, biographe de Romain Gary, plaide depuis longtemps «pour une réouverture du débat à l’Académie française sur la place du féminin dans la langue française». Danièle Sallenave, de son côté, observait déjà en 2017 «que le masculin n’est pas neutre, il a été choisi comme genre dominant», rappelait le linguiste Bernard Cerquiglini dans son livre Le ministre est enceinte consacré «à la grande querelle» de la féminisation des noms.
Le rapport présenté jeudi devra faire ultérieurement l’objet d’un vote.
Si les académiciens acceptaient la féminisation des noms de métier – une mesure déjà en vigueur depuis une quarantaine d’années dans nombre de nations francophones comme la Belgique, la Suisse ou encore au Québec – ce serait une révolution tant l’institution du Quai de Conti a résisté bec et ongles à cette vague de féminisation venue de la francophonie.
Dans une déclaration solennelle, publiée en 2014, l’Académie française indiquait qu’elle acceptait la féminisation des noms de métiers «qui découle de l’usage» en citant notamment les mots «artisane», «aviatrice», «pharmacienne», «avocate», «factrice», «compositrice», «éditrice» et «exploratrice».
Mais, soulignait l’institution, l’Académie «rejette un esprit de système qui tend à imposer, parfois contre le vœu des intéressées, des formes telles que professeure, recteure, sapeuse-pompière, auteure, ingénieure, procureure, etc. Pour ne rien dire de chercheure, qui sont contraires aux règles ordinaires de dérivation et constituent de véritables barbarismes».
Dans une tribune publiée mercredi par La Croix, l’académicien Frédéric Vitoux, président de la Commission d’enrichissement de la langue française, estimait, «à titre personnel», que l’Académie «n’est pas contre la féminisation des noms par principe».
«Pour certains métiers, c’est simple: on n’a jamais eu d’interrogation avec actrice ou directrice», expliquait l’académicien. «Pour d’autres, ajoutait-il, il y a des difficultés objectives, parce que la racine des noms ne s’y prête pas ou parce que cela crée de la confusion. Par exemple, comment dire médecin au féminin sans créer de confusion sémantique avec la discipline? Faudrait-il dire une médecin, une femme médecin, une praticienne? Il y a mille solutions, mais il faut choisir».
L’Académie française compte actuellement seulement quatre femmes (élue à l’Académie en mai 2018, la philologue Barbara Cassin n’a pas encore été officiellement reçue sous la Coupole) contre 31 hommes. Elle compte un seul philologue (Michel Zink) dans ses rangs, mais aucun linguiste ni aucun grammairien.