La «France profonde» bat le pavé

Frigide Barjot? Cherchez l’erreur! Il n’y en a pas. C’est en parodiant le nom de la célèbre actrice que Virginie Tellenne mène sa croisade contre le mariage homosexuel en France.

Elle a battu hier le pavé parisien avec des milliers d’autres Français. L’humoriste de 50 ans, qui a délaissé les boîtes de nuit de Saint-Tropez pour le Saint-Esprit, aime s’afficher en tee-shirt moulant frappé d’un «Touche pas à mon pape». Benoît XVI est pour elle un «saint vivant».

Elle se dit «l’attachée de presse de Jésus». C’est assurément la figure de proue la plus médiatisée des opposants – pas tous de droite, «cathos» et «réacs» – au «mariage pour tous», projet de loi phare de la présidence de François Hollande.

Dans une France officiellement laïque depuis 1905, l’Église catholique fait encore sentir son poids. Depuis des mois, elle se mobilise comme jamais contre les mariages gais, «une supercherie», insiste l’archevêque de Paris, André Vingt-Trois.

Mais 56 % des Français, selon les derniers sondages, sont favorables à ces mariages déjà permis dans les très catholiques Espagne et Portugal et bientôt légalisés au Royaume-Uni. Les Français restent cependant contre l’adoption pour les conjoints de même sexe, permise au Canada.

La France a certes été le premier pays au monde à avoir décriminalisé l’homosexualité…en 1791, mais elle demeure une nation conservatrice en matière des droits des homosexuels (de 2 à 5 % de la population). Un autre des nombreux paradoxes français.

Alors que dans la Belgique voisine – une monarchie catholique – un millier de mariages homosexuels sont célébrés annuellement, une France «silencieuse», inquiète de voir les «familles se dissoudre» avec les «mariages pour tous», espère toujours faire plier l’impopulaire Hollande.

Le scénario était le même en 1984, cette fois pour le maintien de l’école privée. Le gouvernement socialiste de François Mitterrand avait fini par céder. Si Hollande recule, la France ne sera pas le neuvième pays à autoriser les mariages gays (comme on dit dans l’Hexagone).

Chaque fois c’est le vieux fond de la «France profonde» qui ressort. Une France ringarde? Il faut se méfier des étiquettes. Ce pays, aujourd’hui avec Frigide Barjot, adore ergoter et n’est jamais vraiment en paix avec lui-même.