Conséquence du coronavirus, les élections municipales françaises mobilisent peu
Dans l’atmosphère un peu irréelle d’un pays quasiment à l’arrêt pour cause de coronavirus, les Français votaient dimanche, en rang clairsemés, pour des élections municipales dont l’enjeu apparaît complètement éclipsé par l’épidémie.
L’abstention est ainsi estimée entre 54 et 56% selon deux instituts de sondage, soit une très forte hausse par rapport au scrutin précédent de 2014.
Quelque 47,7 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes dimanche en France.
«Il est important de voter dans ces moments-là», a insisté le président Emmanuel Macron en votant au Touquet (Nord), alors que la France, l’un des pays les plus touchés par le virus dans le monde, est quasiment à l’arrêt depuis samedi.
Mais les électeurs ne se pressaient pas aux urnes: le taux de participation à la mi-journée était en nette baisse, à 18,38%, cinq points de moins qu’en 2014 lors des précédentes élection municipales municipales.
Samedi soir, à quelques heures de l’ouverture des bureaux de vote, le premier ministre Edouard Philippe a annoncé des mesures drastiques: restaurants, cinémas et commerces non essentiels fermés, et Français appelés à ne pas se déplacer pour tenter d’enrayer la propagation vertigineuse de la maladie Covid-19 en France, qui comptait 4500 cas pour 91 morts samedi soir.
Les rassemblements de plus de 100 personnes sont interdits, le système scolaire sera à l’arrêt dans tout le pays à partir de lundi, en montagne, l’ensemble du domaine skiable fermera à 16h GMT, jusqu’à l’hiver prochain, et dans les prochains jours, les transports seront fortement réduits.
Malgré tout, le gouvernement, dont deux membres sont malades, a estimé que le scrutin pouvait être maintenu.
Poignées de porte, tables, isoloirs… tout devait être nettoyé avant le vote et des mesures prises pour éviter les files d’attente et faire respecter les distances de sécurité. Les personnes âgées ou fragiles passaient en priorité.
Chacun son stylo
Le ministère de l’Intérieur a recommandé aux électeurs d’apporter leur propre stylo pour signer les cahiers d’émargement, et cette consigne était largement suivie, selon les journalistes de l’AFP.
À l’entrée du bureau de vote installé dans la mairie d’Escames, petite commune rurale de l’Oise, au nord de Paris, un département particulièrement touché au début de la propagation, un paquet de gants en plastique et une bouteille de gel hydroalcoolique accueillent les électeurs. Chacun attend patiemment dans la cour ensoleillée que le petit bureau se libère pour y pénétrer.
À l’heure du coronavirus, maintenir les élections municipales n’était «pas une décision facile», constate Daniel Mooser, retraité de 74 ans, en faisant émarger les votants, les mains gantées de plastique.
Dans ce département, le taux de participation était de 18,47% à midi, contre 27,95% six ans plus tôt.
Dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, frontalière de l’Italie, l’un des pays européens le plus meurtri par l’épidémie et totalement sous cloche, la participation a également chuté de manière spectaculaire, notamment dans le département du Vaucluse, à 15,83% contre 32,18% en 2014.
«Il faut voter. Il n’y a personne et on ne risque pas grand chose», exhortait un électeur, Bernard Gallis, 66 ans, venu voter avec sa femme à Aulnay-sous-Bois, près de Paris, en désignant derrière lui le bureau de vote pratiquement vide.
Mais la progression de l’épidémie pose la question de la tenue du second tour, dimanche 22 mars. Le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer a estimé dimanche que le virus toucherait «probablement» plus de la moitié de la population française.
Selon le constitutionnaliste Didier Maus un report du second tour conduirait à annuler le résultat du premier tour, et obligerait les électeurs à revoter pour les deux tours.
Le parti de Macron bousculé par le coronavirus aux élections municipales
Pour les spécialistes, une baisse de la participation chez les seniors pourrait surtout pénaliser la droite qui compte davantage sur un électorat âgé.
La performance des candidats du parti présidentiel (La République en marche, centre), qui n’existait pas lors du précédent scrutin en 2014, sera forcément suivie de près.
L’exécutif a traversé une période délicate ces derniers mois, marquée par de longs mouvements sociaux comme les gilets jaunes ou la grève contre la réforme controversée des retraites.
Ses candidats sont loin d’être favoris dans la plupart des villes, et même le premier ministre Edouard Philippe, qui se présente dans son fief du Havre (Nord-Ouest), n’est pas certain de l’emporter. Une défaite mettrait assurément en danger son poste à la tête du gouvernement.
À Paris, c’est l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn qui a été envoyée au front après une campagne chaotique. Elle a dû remplacer, il y a à peine un mois, au pied levé, Benjamin Griveaux, emporté par un scandale après la révélation de vidéos intimes.
Elle est légèrement en retrait dans les sondages, troisième (19%) derrière la maire socialiste sortante Anne Hidalgo et son adversaire de droite Rachida Dati au coude à coude (25%).
Les résultats devraient toutefois être difficiles à décrypter au niveau national tant le traditionnel clivage gauche-droite s’est effacé en France depuis l’élection du centriste Emmanuel Macron à la présidence en 2017.
Vous aimerez aussi: