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Celles qui doutent

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Je termine tout juste un livre qui rassemble des extraits du journal de Virginia Woolf, la géante de la littérature anglaise. Il est saisissant de découvrir ses états d’âme en montagnes russes et son rapport tourmenté à ce qu’elle produit. Un jour, elle a confiance en son talent et trépigne d’impatience à l’idée de débuter de nouveaux projets, le lendemain, c’est l’insécurité totale: «Est-il venu le temps où je supporterai de lire mes écrits imprimés sans rougir, sans trembler, ni avoir envie de rentrer sous terre?»

Son œuvre est inextricablement liée à ses épisodes dépressifs. Mais aussi au fait qu’elle avait une conscience aigüe des obstacles auxquelles étaient confrontées les femmes désirant faire du travail intellectuel et littéraire.

Quelque chose là-dedans m’a fait penser à tant de femmes que je connais qui tergiversent sans cesse avant de se lancer dans un projet, par crainte de ne pas être à la hauteur. Chez celles intéressées par la chose politique, littéraire et intellectuelle, il n’est pas rare d’entendre qu’elles ont encore des croûtes à manger, qu’elles doivent développer davantage d’habiletés et de connaissances. Elles peuvent aussi être plus promptes à l’autocritique.

Ce n’est pas parce qu’elles sont plus fragiles, c’est parce qu’il est difficile de décimer des siècles de socialisation. Là où elles peuvent accomplir de grandes choses, occuper des postes décisionnels, écrire des œuvres qui traverseront les époques, elles doutent.

À l’inverse, il est bien connu maintenant que les hommes ont plus de facilité à envisager, par exemple, un rôle politique, alors que les femmes peuvent être plus réticentes à simplement s’attribuer des traits associés au rôle de politicienne. Ce déséquilibre est partout, il suffit d’observer un tout petit peu, dans les milieux universitaires, militants ou politiques, pour constater des écarts dans les attitudes des hommes et des femmes. Les premiers auront plus d’aise à prendre leur place et à faire l’étalage de leurs qualités (réelles ou fantasmées). Ce n’est pas une vérité universelle et figée, mais il existe certains patterns.

Pour remédier à ça, il n’y a pas un «guide de la bonne attitude» à suivre. Il ne s’agit pas non plus de «faire comme les hommes». Il s’agit plutôt d’en finir avec cette socialisation qui confine encore les femmes à certains domaines et certains rôles. Pour que le potentiel ne se perde plus, et que celles qui doutent puissent s’atteler sereinement au travail de l’esprit et de l’État.

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