La rupture de Québec solidaire
Le dernier congrès des solidaires a de quoi réjouir. Pour la première fois (ou presque) depuis l’élection de Catherine Dorion, celui-ci a enfin fait les manchettes pour les bonnes raisons: le fond. Exactement le pourquoi de sa présence à l’Assemblée nationale. Remuer le cimetière des idées. Donner des coups de pied aux poubelles usées de la réflexion. Bardasser les paradigmes reçus, et désuets, de notre régime politique.
Au diable ainsi, enfin, la tuque, la ligne de coke, les Doc Martens, le shooting photo dans le Journal de Montréal, le t-shirt, la photo d’Halloween et le coton ouaté de Catherine. D’ailleurs, si certains croient réellement à l’excuse de son absence au dit congrès, n’oubliez pas de laisser biscuits et verre de lait au bas de votre cheminée, le père Noël arrive sous peu.
Qui dit idées, évidemment, dit aussi désaccords – surnom de la démocratie. Ainsi, si QS a su la sortir du parc en étant le premier parti à se créer une instance autochtone, reste que d’autres discussions du week-end ont de quoi laisser pantois.
D’abord celle, dixit Nadeau-Dubois, à l’effet qu’il n’y aurait pas de fédéralistes à QS. Hein? Cette assertion est, au mieux, fausse. En fait, maints militants du parti de gauche y sont pour une raison: le progrès social. Et comme disait l’un de ses premiers ténors, Amir Khadir (lequel a déjà admis avoir voté NPD en 2011, et qui a sûrement récidivé en octobre en votant pour sa conjointe Nima Machouf, candidate du NPD): l’indépendance si nécessaire, mais pas nécessairement l’indépendance.
Pour la première fois (ou presque) depuis l’élection de Catherine Dorion, QS a enfin fait les manchettes pour les bonnes raisons: le fond.
Et que dire de la vidéo d’appui de Françoise David à Machouf? Des liens étroits entre Alexandre Boulerice et une tonne d’organisateurs et militants de QS? De Vincent Marissal qui, peu de temps avant sa candidature solidaire, suppliait le bureau de Justin Trudeau de l’embaucher, celui-là même qui lui avait refusé la possibilité de se présenter dans Outremont, et ensuite Saint-Laurent?
D’ailleurs, selon une récente étude de la professeure Durand, seuls 47% des électeurs solidaires seraient considérés comme «très favorables» ou «assez favorables» à l’indépendance du Québec. J’ignore avec qui GND discute lors des rencontres de son parti, mais il aurait intérêt à faire le tour de la salle, et pas seulement de la moitié de celle-ci.
La bombe, maintenant: une fois qu’ils formeraient le gouvernement, les solidaires opéreraient divers actes de rupture avec l’ordre fédéral canadien, grugeant dès lors, inconstitutionnellement bien sûr, diverses compétences appartenant à Ottawa. Une forme de désobéissance civile, cette fois sur le plan étatique. Un genre de Thoreau gouvernemental. De Gandhi du partage des compétences.
Indépendantiste ou non, voilà qui, si on est un tant soit peu démocrate et respectueux de l’État de droit, fait mal aux yeux. Parce que, incapable de sortir démocratiquement le Québec du Canada, un gouvernement QS expulserait donc, subrepticement, le Canada du Québec. Voilà qui est mauvais joueur, et qui frôle le fallacieux. Rappelons en effet que si le parti était élu dans la conjoncture actuelle, on peut penser qu’un maximum de 40% de l’électorat voterait pour QS. Il y aurait trop peu de bonnes âmes, ainsi, pour lancer en catimini un processus refusé deux fois par voie référendaire.
Autre chose: ce concept, appelé effectivité, est absolument honni des droits internes et international. La raison? Parce qu’il rejette justement les règles du jeu, nommément l’État de droit, se réfugiant dès lors dans une dynamique de rapport de force. Et qui, dans ce cas, bénéficierait d’un tel rapport? Doit-on rappeler aux solidaires l’assourdissant mutisme actuel de la communauté internationale envers les Hong Kong et Catalogne, pour seules illustrations?