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As-tu déjà eu peur de mourir?

Foulard lumière

Pas de bourrée et ronde de jambe. Je rentre à peine d’Italie, la chevelure encore enduite de sel marin. J’avais quitté le Québec la falle légère, imprégnée de la beauté des festivals. Des dizaines de rencontres et de regards en fête qui ont croisé le mien.

Puis, en début de semaine, une des rares fois où je me plongeai la bette dans les journaux, je m’imprégnai pupille de l’horreur que je ne croyais, à grand tort, qu’anecdotique. Markantoine Lynch-Boisvert, formidable designer montréalais, venait d’être victime d’une odieuse agression physique homophobe près de La Malbaie, à la sortie d’un bar, une agression se soldant par de multiples fractures au visage et une commotion cérébrale.

Markantoine avait pris congé pour fêter la sortie de sa nouvelle collection chez Simons avec son amoureux, et cette folle idée qu’il a apparemment eue de passer du bon temps dans une région magnifique, comme nous le faisons tous, en toute quiétude, aurait pu lui coûter la vie.

«Arrête, tu vas le tuer», sont les douces paroles qu’il a entendues alors que trois hommes s’acharnaient à le défigurer devant son conjoint qui tentait l’impossible pour le sortir de là.

Vous est-il déjà arrivé d’avoir peur de mourir?

Je ne connais par Markantoine personnellement. Mais j’arrive à imaginer que ses blessures sont beaucoup plus graves, plus profondes que ce qu’indiquent ses radiographies. Markantoine embrasse le succès de son formidable regard artiste. Il fend le vent en faisant rayonner le Québec entier sur les passerelles. Il épate, entrepreneur, avec son immense talent et sa fronde. Qu’arrive-t-il lorsqu’une personne telle que lui, forte, fière et grande, se ramasse au sol dans Charlevoix, sous une pluie de coups de pied et d’injures en se demandant à quel moment la lumière se fermera?

«Cette simple pensée m’inonde d’une honte aiguë, mais l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie sont encore bien, bien gaillardes.»

Une pareille disgrâce laisse des traces indélébiles. Une colère, une rage inouïes. Et la peur, aussi. Comment se remettre de pareil incident et marcher la tête haute sans craindre, jusqu’à la fin de sa vie, pour son intégrité physique ou celle de ses proches?

Et cette peur, CETTE HONTE, je la ressens, toute bouillonnante, dans mon ventre, là où j’ai aussi reçu un coup, le 24 août. Ce coup, nous nous devons tous de le ressentir.

Parce que, bien naïvement à l’abri des agressions et microagressions quotidiennes de la communauté LGBTQ+, je nous croyais plus grands que ça.

Je croyais bien sottement que l’amour, l’ouverture et l’accueil parcouraient les veines de l’essentiel des gens. Qu’on avait progressé. Que les torses se bombaient et que les rats désertaient le navire.

Toute cette acceptation sociale et cette lumière n’éclairent pas tous les crânes, et j’ai appris que la plupart des agressions ne sont pas dénoncées, par peur de représailles, de ne pas être accueilli avec ouverture par les autorités, de se voir forcé de faire un coming out, toutes des belles affaires qui ne donnent pas envie de se coiffer d’un chapeau de fête et d’empoigner un porte-voix.

Cette simple pensée m’inonde d’une honte aiguë, mais l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie sont encore bien, bien gaillardes.

Et vos amis, vos frères et vos sœurs de la communauté LGBTQ+ sont encore, en 2019, bien vulnérables.

Soutenez-les. Dénoncez. Refusons toute haine. Protégeons-nous.

La bise.

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