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J’ai essayé de gagner ma vie en répondant à des sondages rémunérés

Businessman catching money with open arm Photo: Getty Images/iStockphoto

Il fut un temps où l’étudiante que j’étais pouvait passer des soirées à googler «moyens rapides de faire de l’argent». Je me souvient être tombée sur des sites méga-louches du genre «comment faire de l’argent en ligne sans enlever son linge».

Et j’ai découvert l’univers semi-parallèle des sondages rémunérés. Un recoin du web qui promet des sommes d’argent intéressantes en échange de l’opinion des utilisateurs. Selon les commentaires affichés sur les pages d’accueil des sites de sondages (publiés par des personnes dont la photo ressemble étrangement à ce qu’on retrouve sur les sites de banques d’images), il s’agit du meilleur moyen d’arrondir ses fins de mois.

En général, les firmes de sondage promettent une rémunération de 1 à 75$ par questionnaire. D’autres avancent que leurs usagers peuvent gagner jusqu’à 500$ par mois. Souvent, on offre des coupons de participation à un tirage mensuel de 1000$ par mois aux «remplisseurs» de questionnaires.

Lorsque l’on sait qu’en 2016, le salaire horaire moyen des Québécois était de 22,50$, selon l’Institut de la statistique du Québec, et qu’aujourd’hui, le salaire minimum est de 11,25$ de l’heure, ça donne envie de quitter son emploi et de passer ses journées à répondre à des sondages… ou du moins, de passer beaucoup de temps à «donner son opinion» en échange d’un bon montant.

Ne reculant devant rien, j’ai essayé de gagner ma vie en complétant des sondages. Pendant cinq jours, soit une semaine habituelle de travail, j’ai consacré une heure à «sondager» (je commence à créer des mots parce qu’il n’y a pas 5000 synonymes à «répondre à des sondages») comme si ma vie en dépendait. Pourquoi? Pour savoir si je pouvais gagner une somme se situant entre le salaire horaire minimum et le salaire horaire moyen, soit au moins 11,25$ par heure.

Après tout, certains blogues prétendent qu’il s’agit d’un bon emploi à domicile.

Jour 1

J’ai choisi de m’abonner aux quatre premiers sites que Google me proposait, soit Swagbucks, TolunaGlobalTestMarket et Vindale Research. Les trois premiers «paient» leurs usagers en cartes cadeaux et en prix divers, alors que Vindale Research rémunère les personnes sondées en argent comptant.

Points minimums pour pouvoir réclamer l’argent gagné:

Vindale: 50$

Swagbucks: 500 SB (en échange d’une carte-cadeau de 5$)

Toluna: 30 000 points

GTM: 175 points (mais le deuxième prix moins cher coûte environ 500 points)

À moi la richesse. (Ou pas)

Déjà, pour créer mon profil, je dois fournir adresse, numéro de téléphone, salaire annuel (le mien et celui de la personne avec qui j’habite, puis notre salaire combiné), niveau d’études, nombre d’enfants (2 chats, 40 plantes vertes), institution bancaire, etc. Des informations que je ne fournirais probablement jamais, si ce n’était de l’expérience hautement scientifique que j’ai décidé de mener.

Mais pour quelqu’un qui a vraiment besoin d’arrondir ses fins de mois, j’imagine qu’échanger ces informations sensibles en pensant qu’une bonne somme d’argent l’attend peut se faire sans sourciller.

J’ai passé la majeure partie de mon heure à créer de nombreux profils sur les dizaines de sites internet vers lesquels on me dirigeait constamment. RIP boîte de courriels. J’ai quand même réussi à ramasser quelques points sur Vindale, Swagbucks et sur Toluna, juste en complétant mon profil.

Mais on reste vraiment loin du 11,25$ de l’heure.

Solde à la fin de la journée:

Vindale: 2$

Swagbucks: 34 SB

Toluna: 3015 points

GTM: 0 point

Jour 2

Je connais maintenant les sondages rémunérés comme le fond de ma poche. Mes profils sont prêts, mes onglets sont ouverts et je suis plus déterminée que jamais à gagner un bon montant. Je suis une bête du questionnaire. La Hermione Granger des firmes de sondage.

Je me suis assez vite arrêtée dans mon élan. Il est extrêmement difficile d’être admissible aux sondages. Moi qui croyait pouvoir en faire un à la suite de l’autre, je me retrouve à passer plus de temps à chercher des firmes qui veulent bien m’accepter qu’à répondre à des questions.

Je trouve enfin un questionnaire pour lequel on m’approuve. En échange de 62 points (le 1/48 du prix qui coûte le moins cher), Toluna prend 25 minutes de mon temps pour me poser des questions sur LES AGRUMES.

Je termine donc ma deuxième journée en constatant que le rapport temps investi/intérêt est très, très mauvais.

Pas sûre, Kim.

Solde à la fin de la journée:

Vindale: 2$

Swagbucks: 96 SB

Toluna: 3015 points

GTM: 0 point

Jour 3

Désespoir total.

Lors de ma troisième heure, je n’ai réussi à répondre à a-u-c-u-n sondage.

Si les sites de sondages étaient une cafétéria d’école secondaire, je serais assise toute seule à la table un peu collante à côté des poubelles. Un rejet.

Je n’ai définitivement pas le profil idéal puisque je n’ai pas d’enfant, pas de voiture et pas de tondeuse à gazon (oui, la question «possédez-vous une tondeuse à gazon» est revenue très souvent lors de l’expérience).

J’ai catalysé ma frustration dans la recherche des photos des «usagers» dont les commentaires positifs figurent sur les pages principales des sites. Toutes celles que j’ai cherchées proviennent de banques d’images en ligne.

Surprise.

Solde à la fin de la journée:

Vindale: 2$

Swagbucks: 96 SB

Toluna: 3015 points

GTM: 0 point

Jour 4

Le quatrième jour est plus lucratif. J’ai réussi à répondre à trois sondages d’une quinzaine de minutes.

J’ai plus de chance puisque j’ai choisi de «sondager» à une heure où plusieurs notifications m’avaient été envoyées par courriel. Il restait donc plus de places pour remplir les questionnaires et ceux-ci avaient été choisis pour mon profil.

On m’a fait visionner des publicités, puis on m’a demandé mon avis. On m’a posé aussi toutes sortes de questions sur mes habitudes de consommation: le genre de questionnaires auxquels je m’attendais au début de l’expérience.

Toutefois, plus de sondages, ça veut aussi dire fournir plus d’informations personnelles à plus d’entreprises. Trois autres compagnies savent combien je gagne et où j’habite. Est-ce que ces données valent vraiment ce qu’on m’offre, soit 1,15$?

Les firmes d’études de marché reconnues offrent de 50$ à 150$ aux participants lorsqu’ils prennent part à des groupes de discussion. Alors 1,15$, c’est assez ordinaire.

Solde à la fin de la journée:

Vindale: 2$

Swagbucks: 97 SB

Toluna: 4030 points

GTM: 102 points

Jour 5

Me voici donc à la fin de mon aventure. Et, je dois l’avouer, je ne m’en ennuierai pas trop.

Je suis loin d’avoir gagné 11,25$ de l’heure. En fait, je suis loin d’avoir gagné 11,25$ tout court.

Et, alors que les firmes prétendent rémunérer leurs usagers en fonction du temps qu’ils consacrent à remplir leurs sondages, je ne peux m’empêcher de constater que quelque chose cloche.

J’ai passé des dizaines de minutes à enregistrer mes informations personnelles dans des «pré-sondages», qui déterminent si je suis admissible ou non pour le questionnaire final destiné aux entreprises. Mais ces données (je le répète: mon salaire, mon adresse, mon emploi, etc.) étaient tout de même transmises aux compagnies. Et moi, je n’ai aucune récompense en échange.

Solde à la fin de l’expérience:

Vindale: 2$

Swagbucks: 97 SB

Toluna: 4245 points

GTM: 132 points

Au final, les modiques sommes d’argent promises aux participants ne sont qu’un incitatif pour faire taire la petite voix dans nos têtes qui chuchote sans cesse «tu ne devrais sûrement pas dévoiler où tu habites et combien de téléviseurs tu possèdes à cette compagnie, dont le nom n’est jamais révélé».

Puisque je n’ai pas atteint les seuils minimums pour pouvoir réclamer argent ou prix, j’ai techniquement gagné l’énorme somme de 0$. Si je continuais à investir une heure par jour, qui sait, je pourrais probablement échanger mes points pour deux ou trois cartes-cadeaux.

Mais ça ne vaut définitivement pas la peine d’investir autant de temps dans une étude dans l’espoir de faire quelques centaines de dollars.

Alors, pour ce qui est du «moyen parfait d’arrondir ses fins de mois», on repassera.

Soyez vigilants!

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