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Non, la moitié des enfants ne seront pas autistes d’ici 2025

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Long soupir.

Ok. Let’s go.

Quelques articles portant sur la «découverte choquante» d’une «grande experte» ont refait surface dans les derniers jours. Les sites de médecine alternative ont publié le même texte, presque simultanément. Et au moment de publier ce billet, chaque article avait été partagé au moins 10 000 fois.

Le texte présente une nouvelle alarmante: une scientifique séniore du MIT,  Dre Stephanie Seneff, a déclaré qu’en étudiant la «forte corrélation» entre l’utilisation plus répandue de glyphosate (notamment dans l’herbicide Roundup de Monsanto) et le nombre croissant de cas d’autisme, elle avait réussi à prédire que d’ici 2025, la moitié des enfants seront autistes. Rien que ça.

Elle s’appuie sur des études, que l’auteur du texte qualifie d’«impeccables» et, bien sûr, sur son expertise personnelle.

Si votre Louche-o-mètre ne menace pas d’exploser, vous avez des devoirs à faire.

Première chose à vérifier: c’est qui ça, la Dre Stephanie Seneff?

«Pendant plus de trois décennies, l[a Dre] Stephanie Seneff a étudié la biologie et la technologie, publiant au fil des ans plus de 170 articles revus par des pairs scientifiques.»

La nouvelle est validée par le fait que Stephanie Seneff est une chercheuse séniore au réputé Massachusetts Institute of Technology (MIT). Son profil sur le site de l’institut prouve que c’est vrai.

Par contre, son champ de compétence se limite à l’informatique (computer science) appliquée à la biologie et à la médecine. Elle a l’équivalent d’un baccalauréat (donc une partie du programme est dédiée à un cursus plus général) en biophysique qui date de 1968. Ce n’est certainement pas assez pour qu’elle se proclame experte (et surtout pas chercheuse) en biologie, en autisme, en santé, en nutrition, en OGM, etc.

À ne pas confondre avec ses champs d’intérêt, qui, depuis les dernières années, se concentrent exclusivement sur la biologie, et plus précisément sur les liens entre la nutrition et la santé.

Mais «hey la gang, c’est une chercheuse du MIT, faque c’est crédible». Non.

C’est comme demander à un médecin de réparer votre ordinateur parce qu’il aime vraiment ça. Ou à un spécialiste de la sécurité informatique de vous faire une opération à coeur ouvert parce qu’il a vu deux-trois vidéos là-dessus.

Deuxième chose à vérifier: ses «preuves»

«Elle a noté que les effets secondaires de l’autisme ressemblent de près à ceux provoqués par la toxicité du glyphosate, et a montré des résultats indiquant une corrélation remarquablement cohérente entre l’utilisation de l’herbicide Roundup sur les cultures (et la création de Roundup-Ready pour les semences OGM) et le développement de l’autisme.»

Voici le graphique qui explique sa théorie. Vous remarquerez, comme elle, que les cas d’autisme augmentent à la même fréquence que l’utilisation du glyphosate:

Il faut toujours faire attention aux corrélations/causalité. Lorsqu’il était à Métro, l’Inspecteur viral a écrit une chronique complète sur le sujet. En gros, voici un passage qui explique bien ce à quoi nous avons affaire.

«Une corrélation, c’est quand deux variables semblent évoluer de la même façon, ou du moins donnent l’impression qu’une affecte l’autre. La causalité, c’est quand il y a un lien clair, scientifiquement établi (dans des études), entre ces deux variables.»

Ici, on a une corrélation que Stephanie Seneff essaie de faire passer pour une causalité. En gros: l’un ne cause pas l’autre, aucun lien n’a été établi ou prouvé. Et affirmer que c’est le cas, c’est extrêmement malhonnête.

Comme l’expose avec humour le chimiste Josh Bloom du American Counsil on Science and Health, il y a aussi une corrélation entre le nombre de films de Jim Carrey et le nombre de cas d’autisme diagnostiqués:

Et pour ceux qui s’inquiètent du nombre croissant de cas d’autisme depuis le milieu des années 1990, on le doit, en bref, à un mélange de meilleurs diagnostics, à l’intérêt scientifique plus accru pour le sujet, aux définitions plus précises du trouble du spectre de l’autisme, à une plus grande sensibilisation et à d’autres facteurs qui n’ont rien à voir avec les vaccins ou les OGM.

Troisième chose à vérifier: où est-elle publiée?

L’article de Seneff est paru sur «The Alliance for Natural Health» (ANH-USA) en décembre 2014.

Une mini visite sur leur site internet m’a carrément fait imploser. (Ok, pas carrément, mais je voulais vous donner une image mentale percutante.)

Il s’agit d’une association anti-vaccin, qui prône l’alimentation comme médicament et la médecine naturelle, tout en martelant que le système de santé américain tue des gens.

Bref, rien de sérieux. Rien de révisé. Rien de bien scientifique.

Soyez vigilants!

Diagnostic:


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