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Vers une privatisation du personnel de la Santé?

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Jonathan Brisebois-Lépine - Collaboration spéciale

Nous constatons tristement depuis plusieurs années que le volet des services sociaux est l’enfant pauvre du système de la santé. Intervenir dans la sphère sociale auprès de personnes vulnérables, ce n’est pas aussi procédural, clair et mesurable que cela peut s’avérer le cas pour des actes médicaux probants et bien définis. En plus de la nature multifactorielle et complexe des situations psychosociales adressées en intervention et du manque de ressources flagrantes en services sociaux, le défi de la création d’une alliance thérapeutique entre l’intervenant social et son bénéficiaire est le pilier d’une relation d’aide significative. Cette confiance mutuelle nécessaire pour réussir à répondre adéquatement à la détresse de l’usager prend du temps et nécessite une continuité avec le même intervenant pour lui permettre de pouvoir s’ouvrir et se montrer vulnérable sans devoir répéter sans cesse son histoire de vie encore et encore à de nouveaux venus en raison des changements fréquents de la personne attitrée à son dossier.

Alors, dans le contexte actuel que nous connaissons, comment pouvoir tisser un lien significatif avec un professionnel aidant quand en raison des congés de maladie, des départs et des feux à éteindre dans d’autres services, le personnel bouge continuellement, laissant l’usager complètement hébété dans une machine bien trop complexe, sans personne ressource stable et sécurisante pour l’aider à cheminer?

Nous l’entendons quotidiennement ces jours-ci, de plus en plus de travailleurs du système abandonnent le navire pour sauver leur santé mentale, préserver leur équilibre de vie et pour éviter de pratiquer un métier humain dans des conditions qui ne font pas de sens en lien avec les valeurs intrinsèques qui les ont amenés à choisir ces professions. Alourdi par le poids de la paperasse incessante, encombré d’une gestion inefficace et avec une perspective étatique comptable du travail humain visant à démontrer de manière éhontée à l’aide de statistiques que tout va bien dans le réseau, nous assistons à une médicalisation des processus d’interventions psychosociales.

En raison de l’incapacité des CISSS à conserver leur personnel et à engager assez de permanents pour combler le gouffre qui se crée, le gouvernement n’a d’autre choix que de se tourner vers des travailleurs provenant d’agences. Je comprends tout à fait la logique immédiate de cette nécessité, mais je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas encore de remise en question réelle de la situation actuelle de nos services sociaux en train de dépérir à la vue de tous, avec les répercussions déchirantes que nous observons dans les familles les plus vulnérables. Notre filet de sécurité n’est plus seulement émaillé, mais il est complètement troué, nous empêchant de lutter efficacement contre la violence envers les femmes, la maltraitance envers nos enfants et bien d’autres problématiques sociales.

Ce que je crains, c’est que cette privatisation du personnel de la santé selon une simple logique comptable et utilitaire se fasse au détriment des usagers, déjà bien assez mis-à-mal par notre système déjà malade, ainsi qu’au grand damne du lien thérapeutique qui prend le bord ces temps-ci. Dans un domaine où l’humain en détresse se doit d’être au cœur de nos interventions, une gestion froide selon des statistiques et une logique quasi-militaire ne nous donnera en tant que société qu’une illusion de prestation de services adéquats, avec les résultats désolants que nous observons présentement.

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