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Se faire mettre dehors de dehors, au nom d’un logement qui n’existe pas

Photo: Archives
Aurélie Broussouloux, Caroline Leblanc, Sue-Ann MacDonald, Marie-Andrée Painchaud, Marjolaine Pruvost, Annie Savage - Collaboration spéciale

Dans les dernières semaines, plusieurs campements ont été démantelés à Montréal. Derrière ces manchettes et manœuvres politiques se trouvent des humains, qui vivent à ces endroits et qui subissent les impacts de ces déplacements : ils et elles se font mettre dehors de dehors. Ces démantèlements invisibilisent et isolent les personnes, les précarisant davantage chaque fois.

Bien que les autorités affirment le contraire, les campements répondent à des besoins tels que la stabilité, la proximité avec la communauté et des services, la distanciation physique, l’intervention des pair.es en cas de surdose, etc. Le tout en permettant aux personnes de conserver leur autonomie, leur autodétermination et leur dignité ; les campeur.euses le disent et les organismes communautaires sur le terrain en font le constat. Cette analyse est partagée dans un rapport de l’ONU appuyant les campements comme solution alternative, d’autres instances comme le CDC et la santé publique de Colombie-Britannique ont emboîté le pas. Les gouvernements municipal et provincial sont conscients des alternatives pour adresser les enjeux de sécurité des personnes sans avoir recours aux démantèlements. Malgré cela, ils ont décidé de mener une violente chasse aux campements. Ces opérations coûteuses, financées à même les fonds publics, sont des choix délibérés.

Selon les pouvoirs publics, il reste assez de places en hébergement d’urgence et c’est vers ces ressources que ces personnes doivent être redirigées. Cependant, si centaines d’entre elles privilégient les campements aux refuges d’urgence temporaire, c’est qu’elles ne peuvent ou ne veulent pas fréquenter ces lieux pour des raisons légitimes. Au-delà des lits temporaires disponibles et de la prétention à pouvoir accueillir tout le monde, ces lieux sont souvent mal adaptés notamment aux besoins des personnes autochtones, des femmes, des travailleuses du sexe, des personnes LGBTQ+, des jeunes, des personnes utilisatrices de drogues ou vivant avec des enjeux de santé mentale. De plus, plusieurs de ces lieux sont en éclosion. La présence plus importante d’agents de sécurité dans certaines ressources est également une barrière d’accès importante.

Ces démantèlements ont lieu dans un contexte de multiples crises: crise du logement, crise des surdoses, crise de l’accessibilité aux services de santé physique et mentale. Ces différentes crises ont été exacerbées par la pandémie de COVID-19 mais sont niées par les gouvernements. Alors qu’il manque des logements à la tonne, que ceux qui sont disponibles sont inabordables, la stratégie actuelle de tout miser sur l’accompagnement vers le logement privé à ses limites. Si parmi les solutions mises de l’avant, le logement est certainement incontournable, les conditions pour y accéder sont peu adaptées aux besoins et aux réalités des personnes en situation d’itinérance. Comme s’il suffisait de “placer” quelqu’un dans un logement pour arrêter de s’en préoccuper. Une fois que l’itinérance n’est plus visible, ce n’est plus vraiment un problème, n’est-ce pas ?

Les gouvernements tendent à contraindre les personnes à aller en ressources et les organismes à les accompagner vers des logements à tout prix. Cependant, il n’existe pas d’injonction pour les personnes à se rendre dans les organismes communautaires, ni pour les organismes communautaires à se plier à ces orientations politiques. Ceux-ci sont autonomes: libres de déterminer leurs missions, ainsi que leurs approches et pratiques en fonction des besoins des personnes. Ils ne sont pas les sous-traitants du gouvernement.

Les campeur.euses l’ont exprimé clairement, ils et elles trouveront un autre lieu pour s’installer. Comme montréalais.es, nous avons un choix à faire: rester dans l’impuissance, spectateur.trices des déplacements continuels opérés à grands coups de dispositif policier ou utiliser notre influence pour réclamer de la tolérance, du respect et l’humanité dans la manière dont on traite les personnes en situation d’itinérance présentement. Utilisons nos voix pour réclamer aussi des investissements massifs pour les organismes qui offrent des services directs aux personnes dans les solutions qu’elles identifient. Que ce soit en logement, en soins, en intervention, en matériel. Écrivons à nos élu.es, exprimons notre solidarité envers nos voisin.es dont la rue est la maison!

Aurélie Broussouloux, Réseau alternatif et communautaire des organismes en santé mentale de l’Île de Montréal (RACOR en santé mentale)

Caroline Leblanc, T.s , M.Serv.soc. étudiante au doctorat en santé communautaire à la l’Université de Sherbrooke menant une recherche participative sur les enjeux que vivent les personnes qui n’ont pas recours aux refuges.

Sue-Ann MacDonald, professeure agrégée, École de travail social, Université de Montréal

Marie-Andrée Painchaud, Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM)

Marjolaine Pruvost, Table des organismes communautaires Montréalais de lutte contre le sida (TOMS)

Annie Savage, Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM)

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