Quand le yoga s’invite à l’école
Les adeptes du yoga développent une meilleure capacité d’attention tout en diminuant leur niveau de stress. Et si c’était aussi le cas pour les enfants et les adolescents?
Patricia Letendre ne savait pas à quoi s’attendre au moment de donner sa première classe de yoga aux élèves de l’école Jeanne-Mance, à Montréal. La professeure s’apprêtait à passer une heure toutes les 2 semaines avec un groupe de 30 adolescents souffrant de troubles de l’apprentissage. «Certains ont reçu le diagnostic de trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité [TDAH], de trouble de l’anxiété, de dyslexie et de dysorthographie», explique Patricia.
Dans la pratique
Lors des premières séances, les adolescents âgés de 13 à 15 ans préféraient rester allongés sur le tapis. «Il fallait y aller petit à petit, puis j’ai vu une évolution dans leur capacité de suivre les instructions», se rappelle la yogini. Figures familières, les enseignants sont présents à toutes les séances et dressent des parallèles entre le yoga et la classe.
Quelques semaines plus tard, l’effet calmant de la pratique sur le comportement des élèves a frappé les enseignants. Ils ont remarqué que les yogis en herbe étaient plus calmes en classe après avoir pratiqué. Par exemple, lors d’un moment stressant, un élève a demandé à l’enseignante si tout le monde pouvait respirer ensemble. Au printemps, quand l’enseignante a proposé d’énumérer quelques techniques pour se préparer à la période des examens, certains ont d’emblée suggéré le yoga et la méditation.
La science derrière la pleine conscience
La magie qui opère lorsqu’on pratique le yoga ou la méditation a bel et bien des racines scientifiques. «L’activité offre une pause assez longue pour se déconnecter des sources de préoccupation constantes de la vie de tous les jours. Le corps humain n’est pas fait pour être constamment en mode action, comme le dicte la société moderne.
Sur le plan physiologique, le yoga permet au corps de passer du système de survie qui fait face aux menaces, qu’on appelle le système sympathique, au système parasympathique, qui nous rappelle que nous sommes en sécurité et qui régit le repos, la digestion et la guérison», explique Maxime Bourgault, psychologue et professeur de yoga à la clinique Alinéa.
«Beaucoup d’élèves ont des troubles de l’apprentissage et prennent des médicaments qui influent sur leur appétit, leur sommeil et leur santé. Je suis convaincue que le yoga peut atténuer ces symptômes.» -Patricia Letendre, professeure de yoga à l’école Jeanne-Mance.
Patricia Letendre a vu une amélioration notable sur la perception de soi des jeunes. «Ils essaient une posture et je leur demande ce qu’ils ont ressenti, s’ils ont aimé ou non la sensation. C’est fascinant de voir qu’au début, ils ne savent pas quoi dire, et que plus l’année avance, plus ils se sentent à l’aise de partager leur expérience et d’explorer leur corps.»
Contrairement à d’autres matières du curriculum, il n’y a ni bonne ni mauvaise réponse : «J’essaie de considérer tout ce qu’ils disent comme valable, car tout est valable.»
Maxime Bourgault partage l’opinion de sa collègue : «Le yoga offre des bénéfices au niveau de la gestion des émotions. Une émotion ne flotte pas dans les airs, elle se passe surtout dans le corps. Un enfant de huit ans peut se retrouver envahi par le stress, mais il ne peut pas encore le nommer et pourrait se sentir complètement dépassé. En faisant du yoga, il pourrait être capable de nommer les effets du stress, tels que le cœur qui palpite et le sentiment de vertige. À partir du moment où on peut dire qu’on est triste par exemple, la simple possibilité d’être capable de nommer la sensation intérieure apporte de l’apaisement à l’enfant.»
Les professeurs et les parents qui désirent intégrer le yoga au quotidien des enfants et des adolescents peuvent le faire graduellement sous forme de jeu. Étant donné que la plupart des postures sont associées à un animal (cobra, chien, lézard, etc.), ces associations peuvent donner lieu à des contes amusants, comme les vidéos ludiques de Namasté le singe.
Patricia Letendre se dit impatiente de revivre l’expérience avec un nouveau groupe en octobre. Si le yoga à l’école est encore loin d’être la norme, la philosophie aura peut-être sa case à l’horaire d’élèves du primaire et du secondaire dans un avenir rapproché.