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Quand manifester contre la culture du viol (et Julien Lacroix) fait peur

Manifestation contre la culture du viol à Montréal
Une manifestation contre la culture du viol à Montréal. Photo: Collaboration spéciale / Mélodie Descoubes

Par peur de représailles, les organisatrices d’une manifestation contre la culture du viol et contre le retour de l’humoriste Julien Lacroix, dénoncé par neuf femmes en 2020 pour agressions sexuelles, ont décidé d’annuler leur action qui devait avoir lieu aujourd’hui. 

Ce mardi à 17h, des centaines de manifestant.e.s devaient se réunir au métro Préfontaine.

C’est aussi à ce moment et dans ces environs que devait être enregistré le balado de Julien Lacroix devant public. Or, l’humoriste, qui tente un retour, a finalement décidé d’annuler l’événement, «forcé», dit-il, par des «menaces sérieuses» visant des membres de sa famille et par la tenue d’une manifestation.

Capture d’écran du Facebook de Julien Lacroix

Si les organisateur.trice.s de ladite manifestation soutiennent n’avoir jamais fait de menaces envers qui que ce soit ni avoir encouragé de tels comportements, iels affirment que l’annonce de Julien Lacroix a suscité beaucoup de haine à leur égard. 

«Malgré que nous ne soyons pas les autrices des présumées menaces [contre la famille de Julien Lacroix], nous ne voulions pas prendre de chance qu’il y ait des récidives», écrivent Les Insoumises, un des collectifs à l’origine de la manifestation «Non à la culture du viol».

Bien que nous souhaitons penser que les trolls restent cachés derrière leur écran, nous ne voulons pas prendre la chance qu’un d’entre eux décide de se venger, vu l’air du temps aux nombreux féminicides.

Les organisatrices de la manifestation annulée

Le tribunal populaire, un puits sans fond?

Selon la professeure au Département des sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Rachel Chagnon, on est présentement dans un moment de «quadrature du cercle» alors qu’on se trouve devant un problème dont on sait par avance qu’il n’a pas de solution, avec la réalité des réseaux sociaux et du tribunal populaire.

«La raison pour laquelle les organisatrices ont été victimes d’un effet adverse aussi important, c’est que leur réaction à l’égard du retour dans l’espace public de Lacroix a provoqué une contre-réaction parce qu’il a, dans son entourage, des gens qui sont ses supporters», poursuit-elle.

Lorsque des personnes s’indignent sur les réseaux sociaux, elles vont rejoindre une population qui va les appuyer. Parallèlement, il va y avoir un autre groupe de gens qui vont s’opposer à leur point de vue et qui, eux aussi, vont se mobiliser de leur côté. «Chaque groupe va chercher ses propres adeptes et se cristallise l’un contre l’autre», précise Rachel Chagnon. C’est un phénomène médiatique qu’on appelle «l’effet Streisand», ajoute-t-elle.

Dans ce contexte, il est difficile de trouver une sortie de crise, estime la professeure. Avocate de formation, Rachel Chagnon pense que, «malgré tous ses manques, l’avenue judiciaire offre une résolution de conflit médiée qui permet peut-être de mettre un point final» avec le jugement et la sentence suivant le procès. «J’inviterai les victimes à y penser parce que le tribunal populaire à ses limites. On le voit. Il n’y a pas de résolution. Il n’y a pas de fin dans cette histoire…», souligne Mme Chagnon.

Les personnes qui sont favorables à Julien Lacroix vont continuer d’affronter les personnes qui défendent les victimes… Plus personne ne va lâcher le morceau.

Rachel Gagnon, professeure au Département des sciences juridiques de l’UQAM

Les limites du système judiciaire

De leur côté, Les Insoumises rappellent que le système judiciaire, même avec la création d’un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale, a aussi ses limites, citant des cas comme «Simon Houle, qui a récidivé après son absolution» ou encore la chanteuse «Ariane Brunet qui n’a pas eu accès à une trousse médico-légale, après avoir été droguée à son insu. Même chose pour l’olympienne Mary-Sophie Harvey. Seulement quatre hôpitaux de Montréal sont en mesure de procéder à une trousse Médico-légal».

Les gens ont le droit à leurs opinions. On crie, les autres ont le droit aussi. On en est pas du tout là. Nous préférons simplement réclamer notre victoire et assurer la sécurité de tout le monde. On cherche pas à se battre avec quelqu’un. Juste contre le patriarcat. 

Les Insoumises

Les organisateur.trice.s de la manifestation annulée précisent qu’iels respectent le fait que «la famille et les proches de Julien Lacroix lui apportent le soutien nécessaire pour se soigner». Iels croient «en la rédemption d’un individu, mais dans la sphère privée». 

«La sphère culturelle et publique doit rester un privilège à gagner. Sa deuxième chance, c’est de vivre librement, de fonder une famille et d’avoir l’amour de ses proches», ajoutent-iels. 

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