«Pat Burns, l'homme qui voulait gagner»
MONTRÉAL – Pat Burns aurait été réticent de se mettre à nu de la sorte, de son vivant. L’ancien policier devenu entraîneur, cultivant le mythe de dur avec son sempiternel air bourru, n’était pas du genre à verser dans les confidences et il ne laissait pas facilement les gens crever la bulle de sa vie privée.
Personnage complexe et têtu s’il en était, quand on parvenait à lui faire baisser la garde, on découvrait un homme drôle et attachant, mais réservé, un brin méfiant et solitaire. Un artiste qui aurait pu tout aussi bien connaître une brillante carrière dans la musique country!
C’est le portrait posthume que fait Rosie DiManno de l’entraîneur québécois qui n’était pas prédestiné à faire sa marque dans la LNH dans la biographie «Pat Burns, l’homme qui voulait gagner», de la version anglaise «Coach: the Pat Burns Story», parue en octobre dernier.
«Je lui ai parlé du projet de livre vers la fin de sa vie et il s’était montré favorable, indique en entrevue son fils Jason. Je ne crois pas par contre qu’il se serait dévoilé avec autant d’ouverture, s’il était resté parmi nous. Il ne serait pas ici en ce moment pour en parler, c’est sûr.»
DiManno, chroniqueure au quotidien «Toronto Star», a bien connu Burns à l’époque où il a dirigé les Maple Leafs de Toronto. C’est donc compréhensible qu’elle se soit attardée — environ un tiers de l’ouvrage de 407 pages, publié aux Éditions Hurtubise — à son deuxième arrêt de quatre dans la LNH, de 1992 à 1996.
L’auteure rend évidemment compte des autres séjours qu’il a effectués chez le Canadien de Montréal (1988-92), les Bruins de Boston (1997-2000) et les Devils du New Jersey (2002-04).
Un palmarès éloquent de 14 saisons, jalonné de trois titres d’entraîneur par excellence, qui a atteint son paroxysme avec la conquête de la coupe Stanley en 2003, un an avant que le cancer ne frappe sournoisement. La maladie qui l’a finalement emporté au bout de six années d’une lutte courageuse, comme on l’évoque dans les derniers chapitres.
«Je pense qu’il serait content du produit final, affirme Jason Burns. Je trouve que c’est un livre honnête, le reflet fidèle de la réalité. Ce n’est pas un livre à l’eau de rose, tout n’est pas beau tout le temps. C’est pas mal ça Pat Burns, la personne et le personnage.»
Orphelin de père
DiManno, qui n’a pas obtenu la pleine collaboration de la famille dans la rédaction, raconte d’entrée de jeu que Patrick John Joseph Burns, dernier d’une famille de six enfants né à Montréal en 1952, a été affecté par la perte de son père Alfred en bas âge. Ce qui a sans doute contribué, avance-t-elle, à ses échecs amoureux et au fait qu’il ait été un père peu présent pour ses enfants Maureen et Jason, issus de deux unions.
On relate ensuite son arrivée au sein de la police de Gatineau, et ses débuts comme entraîneur des Olympiques de Hull, de la LHJMQ, des copropriétaires Charlie Henry et un dénommé Wayne Gretzky.
Quand le directeur général du Canadien Serge Savard l’engage à la barre de l’équipe-école de Sherbrooke, Burns commence à voir grand. Le 8 juin 1988, il réalise son rêve de diriger le Canadien, qu’il mène jusqu’à la finale à sa première saison.
Issu de la vieille école, Burns était inflexible avec ses joueurs, jouant à fond la carte de l’intimidation afin de soutirer d’eux l’effort maximum.
«Rigoler, rire, danser… Ce n’est pas dans ma nature. J’aimerais être une personne joviale, mais je ne le suis pas», le cite-t-on d’ailleurs dans le livre.
Il pouvait être enjoué pourtant, principalement avec sa garde rapprochée. Mais ce qu’on retient surtout du bouillant irlandais de souche, parti trop tôt à l’âge de 58 ans en 2010, ce sont ses excès de colère et son langage coloré.
À défaut de contenir de grandes révélations inédites, l’ouvrage est bien documenté et truffé d’anecdotes savoureuses, l’auteure n’ayant pas lésiné sur les entrevues. L’adaptation à la «saveur québécoise» de l’éditeur André Gagnon est bien ficelée.
Les jeunes amateurs de hockey découvriront un monde qui est à des années-lumières de celui d’aujourd’hui. Les passionnés y trouveront leur compte.