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«Le Canadien a coupé un lien»

NASHVILLE, TN - JANUARY 29: P.K. Subban #76 of the Montreal Canadiens looks on during Media Day for the 2016 NHL All-Star Game at Bridgestone Arena on January 29, 2016 in Nashville, Tennessee. (Photo by Bruce Bennett/Getty Images) Photo: Archives | Getty Images

L’échange qui a fait passer P.K. Subban du Canadien de Montréal aux Predators de Nashville aura des conséquences sur la glace, mais a aussi eu un impact culturel important à Montréal.

«C’est une cassure, a affirmé Andy Mailly-Pressoir, coanimateur des Infos, à V, et blogueur au journal Métro. Le Canadien a coupé un lien très fort, pas seulement avec la communauté haïtienne, mais aussi avec la communauté immigrante qui suivait l’équipe et celle qui s’est mise à la suivre à l’arrivée de P.K. Subban. Je connais des gens qui vont continuer à suivre P.K., mais qui ne suivront plus le Canadien.»

Les deux parents de Subban sont arrivés au Canada en 1970. Son père, Karl, vient de la Jamaïque, et sa mère, Maria, de Montserrat.

Pour Michael Smith, président de la Jamaica Association of Montreal, la communauté a perdu bien plus qu’un joueur de hockey. «Il était un excellent modèle pour notre jeunesse, pour toute la communauté noire. Nous avions un joueur noir qui excellait dans un sport traditionnellement blanc. C’était une grande motivation. Sans oublier tout ce qu’il fait pour la communauté, avec la fondation de l’hôpital pour enfants.»

À ce deuil s’ajoute un sentiment d’injustice. «Plusieurs fans de hockey, au sein de la communauté jamaïcaine, croient que le fait que P.K. soit noir a joué dans la décision de l’échanger, tout en souhaitant que ce ne soit pas le cas», a dit M. Smith.

«Je ne suis pas prêt à dire que ça a un rapport avec la couleur de la peau, a indiqué M. Mailly-Pressoir. Toutefois, ça influence la personnalité de P.K.. Il est comme il est notamment en raison de ses racines jamaïcaines, comme moi, j’ai ma personnalité en partie parce que je suis haïtien. Au baseball, au basket ou dans la NFL, Subban serait une mégavedette et personne ne dirait : ‘‘Tu déranges tes coéquipiers dans le vestiaire donc on va t’échanger.’’ Je trouve que le hockey est encore trop conservateur.»

Tout cela doublé d’une impression de deux poids, deux mesures. «Ils ont soutenu Carey Price, et sa carrière avec le Canadien n’a pas toujours été un long fleuve tranquille, a souligné Arcadio Marcuzzi, analyste des matchs de l’Impact au 98,5 FM et chroniqueur au journal Métro. Ils ne l’ont pas fait avec Subban. Il y a un parti pris quelque part.»

«J’étais un grand fan du Canadien et je me suis senti personnellement aliéné. Cet échange n’a pas bien passé.» –Michael Smith, président de la Jamaica Association of Montreal

Subban, la marque
M. Smith s’explique mal le départ du défenseur étoile, mais il croit que la façon dont il faisait la promotion de sa marque de commerce a eu un impact. «Il se vendait en tant que P.K. Subban, et pas en tant que P.K. Subban, défenseur du Canadien de Mont­réal. Ç’a causé un problème.»

Une hypothèse tout à fait plausible selon André Richelieu, professeur expert en marketing du sport à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal. «L’histoire l’a bien démontré avec Guy Lafleur et Patrick Roy. Chez le Canadien, il n’y a pas de joueur plus gros que le club. Pas de joueur qui peut avoir une marque plus grande que celle du CH, a-t-il analysé. Cela a été un élément déclencheur très fort, ajouté au fait que l’équipe a connu une deuxième moitié de saison catastrophique.»

Une attitude qui peut avoir des conséquences. «Les gens extraordinaires ont des défauts à la hauteur de leurs qualités. Si le Canadien ne peut pas vivre avec cela, il risque d’être une équipe fort ordinaire avec des joueurs qui ne généreront pas beaucoup d’enthousiasme au sein de la population», a ajouté M. Richelieu.

Les joueurs, un point d’ancrage

Certains joueurs, grâce à leur talent et au lien qu’ils créent avec la communauté, font une grosse partie du travail de marketing de leur organisation.

«Les joueurs vedettes, locaux, ou qui ont un lien culturel très fort avec la communauté servent de points d’ancrage émotionnels qui cristallisent le sentiment d’appartenance des fans à l’égard de l’équipe, a affirmé André Richelieu, professeur expert en marketing du sport à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal. Ces joueurs aident à assoir la marque du club et à élargir la base de partisans.»

Si l’équipe profite de la loyauté (et des dollars) des nouveaux partisans, la relation peut être mutuellement bénéfique. «Sans trop surestimer son importance, le hockey a un pouvoir d’intégration assez fort, a expliqué M. Richelieu. Pour les immigrants, partager un moment avec des gens établis depuis plus longtemps est un moyen d’élargir leur réseau, de s’intégrer davantage et mieux.»

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