Construire un bazooka
La désobéissance civile, la pression sociale et un roux aux lunettes jaunes auront finalement réussi à faire annuler les audiences de l’Office national de l’énergie (ONÉ) sur le pipeline d’Énergie Est. Pour l’instant, le maire Coderre n’appuie pas le projet, mais il reste ouvert. Les Premières Nations mènent sans conteste un superbe et essentiel combat contre le projet. Sortez votre parapluie, ça «chie» dans’ fan.
Ce pipeline n’est pas qu’un tuyau. Il y a tout un monde qui vient avec: une idéologie, une vision de l’économie, une manière de coloniser les territoires et d’exploiter la nature et l’être humain. C’est plus qu’un simple tuyau.
Petit portrait des acteurs. Malgré ses belles paroles environnementales, le gouvernement Trudeau est favorable au projet: des tuyaux, il en prendrait par tous les trous. L’ONÉ, qui était déjà qualifié d’illégitime par certains groupes environnementaux, n’a maintenant plus aucune crédibilité. Il y a une opposition citoyenne qui dit non et une coalition des milieux d’affaires qui dit oui.
En fait, c’est une discussion entre la science et les croyances, entre Galilée et des curés moyenâgeux. La raison scientifique affronte les intérêts personnels d’une minorité riche et bien organisée. Évidemment, je suis solidaire avec les travailleurs de la construction qui trouveraient des jobs payantes, mais éphémères. Cependant, l’argument job ne peut être pris en dehors du contexte environnemental et du bien commun.
C’est le je-me-moi contre le nous. La coalition formée de chambres de commerce et du Conseil du patronat qui appuie ce projet nous balance des arguments d’intérêt individuel, égoïste et carriériste. Ce regroupement de milieux d’affaires privilégie le profit avant l’humain. Ces mêmes filous pourraient être engagés pour nous vendre un bazooka à sperme – visant la vulve enflammée de Satan pour enfanter l’Antéchrist – qu’ils utiliseraient les mêmes arguments: «Construire un bazooka va créer des emplois. En cas de déversement, on a une boîte de Kleenex à côté du lit. Satan veut votre bien. Enfanter l’Antéchrist est un projet structurant pour le Québec». Quand on m’aborde avec les mots «projet structurant», je fonds, je suis charmé, je deviens une p’tite crème molle à la fraise qui se laisse prendre et déguster. Pour un projet structurant, j’accepterais de me faire payer en pots Mason remplis de bisous.
Concernant la controversée rencontre entre Jean Charest et les deux commissaires de l’ONÉ, le vice-président d’Énergie Est au Québec, Louis Bergeron, a dit: «Je comprends que cela suscite des préoccupations [chez les citoyens], mais je ne peux pas changer le passé.» Bon, voilà! Le mec ne peut pas changer le passé. Le genre de phrase qui sort d’une tête après l’avoir mis au four à micro-ondes. Cette réponse est aussi pertinente que «c’tu veux j’vous dise?», «c’est faite, c’est faite, sti», «arrêtez donc de vivre dans le passé, gang de petits pains». Pour TransCanada, l’éthique et les lois, c’est comme un cône orange sur la route: c’est fait pour être contourné. Ou renversé.
Ce pipeline est une mauvaise idée. Dans un mauvais but. Fait par les mauvaises personnes. Un NON radical et sans compromis doit être formulé.