Nick, Linda et moi
Chroniqueur-lecteur. C’est notre rapport en ce moment, nos rôles. Selon votre sexe, votre âge, votre job, ya des chances qu’on se croise à un moment donné et que nos rôles changent. Client-serveur, humoriste-spectateur, patient-docteur, citoyen-citoyen, gars qui tombe dans la lune-conducteur dans la voie de gauche en maudit après le gars dans la lune qui roule à 100. Oui, ça m’arrive d’être la tortue dans la voie de gauche; mes excuses.
Une des choses que j’aime le plus dans la vie, c’est quand, malgré les rôles dans une situation donnée, par exemple client-serveur, le rapport passe à quelqu’un-quelqu’un. Les personnages sautent, les costumes tombent, puis un lien humain se crée. Ç’a été le cas, pendant un bout, entre Nick, Linda et moi.
Nick et Linda étaient des employés de Vincent sous-marins, rue Saint-Hubert. Linda servait, Nick cuisinait. Nick jouait de la spatule à sous-marin comme un chef d’orchestre. La viande, les oignons sautaient dans l’air comme un ralenti de pub. Et Linda, la charmante Linda. Une serveuse de casse-croûte qui a du métier, qui a du vécu. Qui de bon cœur allait parfois porter un grilled cheese au gars qui habitait en haut du resto, parce que la fin du mois était dure.
Je les avais connus dans le temps où je faisais de la boxe, c’est-à-dire les trois mois où j’en ai fait. Le resto était sur le chemin du gym, j’y étais arrêté un soir, puis ça avait cliqué. Le lien a duré des années, de 14 ans à au moins 19 ans. Quand je passais par là et que je voyais qu’un ou l’autre, ou les deux, travaillaient, j’arrêtais. J’étais tellement souvent là, que parfois je restais avec eux après la fermeture du resto. Nick me laissait me faire des hot-dogs derrière le comptoir, et ça, ça me faisait capoter! Je me sentais privilégié, comme si j’avais accès aux coulisses d’un spectacle qu’on voit sur Broadway trois fois par semaine.
Aujourd’hui, je ne sais pas du tout où ils sont rendus. Le ti-cul que j’étais est devenu un homme. Le temps a passé, mais je garde un souvenir soudé d’eux. De cette époque où, en ti-cul de quartier en roller blade, j’allais squatter une soirée chez Vincent, pour jaser avec Nick et Linda. Manger un six pouces, avec une frite et un Pepsi. Nick parlait fort, faisait des jokes de cul, parlait de ses histoires passées avec des femmes. J’aimais tellement faire rire Linda, qui me trouvait donc drôle. Un de mes premiers publics.
Aujourd’hui, je ne sais pas du tout où ils sont rendus. En tout cas, physiquement.
Psychiquement, ils sont dans ma tête et y resteront à jamais. Si jamais vous lisez ce texte et si vous vous dites : «Hé, je le connais, Nick!» ou : «Je la connais, Linda!» passez-leur le journal, qu’ils lisent ces mots et sachent que le p’tit comique du Vincent sous-marins a tenu son bout. Il fait aujourd’hui ce qu’il n’arrêtait pas de leur répéter qu’il ferait plus tard : faire rire le monde. Salut, Nick et Linda.
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