Dïana Bélice: Un style d’écriture
Dans L’école du style, Dïana Bélice apprend à ses jeunes lecteurs à s’aimer, à s’accepter, à faire attention à leurs amis, à toujours être soi-même. Le tout en ayant beaucoup de plaisir.
Olivia, «14 ans, bientôt 15», a du front, de la motivation, du cœur. Elle a aussi une mère légèrement lunatique, qu’elle surnomme «momzie», qui n’arrive pas toujours à payer ses comptes, avec qui elle se chicane souvent. Mais qu’elle chérit énormément. Un jour, dans une allée d’épicerie, une dame arrête le duo pour demander si Olivia a déjà pensé à devenir mannequin. Précision: l’agence qu’elle a fondée a une mission «positive», souhaite montrer que la mode est accessible à tous. Et elle recrute, «sans aucune discrimination quant à l’âge, l’origine, la taille, le poids, des gens qui représentent Monsieur et Madame Tout-le-Monde».
Après réflexion, Olivia devient une des ces Tout-le-Monde.
Avec sa série de romans, composée pour l’instant de Glamour, projecteurs et histoires de cœur, suivi d’Instagram, talons plats et autres tracas, Dïana Bélice plonge dans un univers qu’elle connaît hyper bien, mais qu’elle n’avait encore jamais exploré à l’écrit. L’auteure, qui a notamment été intervenante psychosociale auprès de jeunes de gangs de rue, a par le passé sondé des sujets plus sombres, dont l’exploitation sexuelle, dans Fille à vendre.
La maman de deux enfants puise désormais dans une autre de ses expériences, celle de mannequin. Un métier qu’elle a exercé de 18 à 24 ans et dont elle souhaitait parler sous un angle constructif. Dans ces deux premiers tomes, portés par les chansons de Taylor Swift et d’Ed Sheeran («Tout ce qui est pop bonbon, j’adore ça!»), elle aborde plusieurs sujets par la bande, dont celui du consentement sexuel et de la différence de classes. «J’ai toujours voulu écrire sur le monde de la mode, dit-elle, mais je ne voulais pas le faire n’importe comment.» Elle l’a plutôt fait comme ceci.
Dans L’école du style, on sent la fougue et le dynamisme de la jeunesse. Les mêmes sentiments vous ont-ils animée durant la rédaction?
Définitivement! Ça m’a fait tellement de bien d’écrire cette série! C’est un pur plaisir, je me suis amusée comme une petite fille.
Même si vous décrivez les voyages d’Olivia, ses aventures dans le monde de la mode, vous ne glamourisez pas cet univers. Aller à Sydney, pour elle, c’est chouette, mais elle ne vit pas non plus une vie décadente faite de flash et de grosses fêtes. Vouliez-vous présenter le métier de mannequin comme, oui, un rêve, mais pas forcément un idéal à atteindre?
Je voulais le présenter pour qu’il ait l’air accessible et pour que toutes les filles soient capables de s’y reconnaître et de se dire oh, ça pourrait être moi. Je voulais vraiment mettre de côté tout ce qui est Instagram, la supposée vie parfaite et dire : c’est sûr, c’est super le fun la mode et tout, mais il y a d’autres côtés qu’il faut considérer.
Justement, Olivia remarque que sa meilleure amie est obsédée par Instagram et par la façon dont les autres la perçoivent. Elle, par contre, s’en fiche pas mal de ce que les autres pensent. Un message important à passer?
Je le creuse un peu plus dans le tome 3, qui paraîtra cet automne. Tout ce culte de la popularité, ou de la gloire qu’on se fabrique sur Instagram. Les réseaux sociaux, c’est vraiment très actuel dans le monde de la mode, donc j’essaie d’en parler.
«C’est important de savoir que ce qu’on voit dans les magazines, à la télé et sur les réseaux sociaux, ce n’est pas nécessairement la réalité. La réalité, c’est ce qu’on vit en ce moment.»
Vous mentionnez la place qu’occupent les réseaux sociaux, mais votre héroïne ne reçoit son premier téléphone portable que dans le tome 2. Vous souhaitiez rappeler qu’il est possible d’avoir 14 ans et de ne pas passer sa vie sur son cell?
On a l’impression que les réseaux sociaux se sont répandus comme une traînée de poudre. Mais moi, si j’étais une ado aujourd’hui, je ne crois pas que je passerais tant de temps là-dessus. C’est un effort, pour moi, simplement de mettre à jour ma page Facebook! Et je suis sûre qu’il y a des jeunes qui pensent comme moi. Qui se disent que c’est bien de vivre dans le moment présent et de ne pas toujours tout prendre en photo pour dire : «Regarde la belle vie que j’ai!»
Donc, Olivia a-t-elle beaucoup de vous, ou juste quelques caractéristiques?
Hmm… Olivia est la personne que j’aurais aimé être quand j’étais plus jeune. Et même aujourd’hui encore! Elle est beaucoup plus fonceuse que moi. Elle a du front tout le tour de la tête, elle ne se laisse pas intimider. Moi, je suis
très timide.
C’est pour ça que vous lui donnez la force de remettre en question les agissements des gens qui se comportent mal, de dire tout haut sa façon de penser, au risque d’irriter?
C’est vraiment une thérapie! (Rires) C’est vraiment difficile, pour moi, la communication et ce genre de confrontation. Je trouvais donc qu’Olivia, c’était un beau modèle!
Vous parlez beaucoup de l’importance de l’amitié,
de la loyauté. Ce sont des valeurs qui vous tiennent particulièrement à cœur?
C’est très, très important. Même si, des fois, être loyal, ça peut créer des problèmes! Pour ce qui est des amis, je prône la qualité plutôt que la quantité. On n’est pas obligé de s’ouvrir, de se confier à tout le monde.
Dans le deuxième tome, Olivia se fait d’ailleurs une nouvelle copine, Anna, qui est mannequin comme elle. Vous souhaitiez élargir son cercle d’amis?
Vous savez, certains lecteurs m’ont reproché le fait qu’Olivia était blonde aux yeux verts. Je n’avais tellement jamais pensé à ça! Je trouvais juste ça intéressant de me glisser dans un tel personnage, car je ne l’avais jamais fait. C’est drôle à dire, mais pour moi qui suis Noire, des blondes aux yeux verts, ce n’est pas un stéréotype; c’est quasiment exotique! (Rires) En créant Anna, qui a les cheveux courts, qui est Noire, qui est un petit soleil sur pattes, ça m’a permis d’insérer un personnage qui me ressemblait davantage… Et, du même coup, de faire taire les gens, peut-être? (Rires)
Olivia se demande souvent «Et si…?» Et si elle faisait telle chose plutôt qu’une autre. Et si elle agissait comme ceci plutôt que comme cela. Est-ce une question que vous vous posez fréquemment?
Oh mon Dieu! Le «Et si» me tient réveillée! (Rires) Cette tendance à imaginer tous les scénarios possibles dans une situation, c’est définitivement un côté que j’ai!
La relation entre Olivia et sa mère, qui est centrale dans les deux tomes, est peut-être également celle qui évolue le plus au fil des pages. Olivia se sent tour à tour comme l’enfant, l’adolescente, l’adulte, et même la mère de sa propre mère. Pourquoi avoir voulu tant explorer ces rapports?
J’ai l’impression que, dans la littérature jeunesse destinée aux filles, on idéalise beaucoup la relation parentale, que c’est surtout le fun, que papa et maman nous donnent des règles et qu’on les respecte. Mais je voulais montrer qu’on n’a pas toujours des relations idéales avec nos parents, que ça peut être un peu plus compliqué.
Votre protagoniste est abonnée aux exagérations propres à l’adolescence. Elle parle de tragédie, de catastrophe, d’histoire d’horreur, de pire relation de l’histoire de l’humanité. Elle a aussi beaucoup d’humour. C’est le vôtre qui ressort?
Dans les moments où je suis gênée (comme dans les entrevues!), le rire m’aide à passer au travers. Ça me vient naturellement! Et les exagérations, c’est vraiment pour ramener l’adolescente en nous. Même mes sœurs (je viens d’une famille de quatre filles – eh oui, on était l’équipe de football à mon père!) ont lu les livres et m’ont dit, oh mon Dieu qu’elle m’éneeeerve! Je sais, c’est ça le but!
Donc vous vouliez qu’elle soit un peu irritante?
Oui! On a tous été un peu irritant quand on était ado. On en mettait beaucoup dans ce qu’on vivait et tout, oh mon Dieu, était la fin du monde! C’était pour rendre ça plus vrai.
Olivia apprend à «sourire avec les yeux». Est-ce inspiré du conseil fétiche de Tyra Banks dans America’s Next Top Model?
Ben ouiiiii! (Rires) Moi, on a essayé de me l’apprendre aussi. Mais je ne suis pas sûre de maîtriser la technique!
L’école du style
Tomes 1 et 2
En librairie aux Éditions Hurtubise