Le PQ ou vivre avec les conséquences de ses actes
Depuis dimanche, maints militants ou sympathisants péquistes se gargarisent d’insultes envers ceux de Québec solidaire (faut dire que l’inverse est aussi vrai). La cause? Le refus de ce dernier de conclure quelconque entente, en vue des prochaines élections, avec le parti de René Lévesque. Québec solidaire rejette ainsi, a-t-on entendu, toute possibilité pour les forces progressistes de défaire, en 2018, les libéraux de Philippe Couillard. Bien que l’objectif puisse apparaître noble et louable, un truc cloche. Et pas à peu près. Pour parler d’alliance progressiste, encore faut-il que les deux partis le soient, non?
C’est là, à mon sens, que le bât blesse. Progressiste, le Parti québécois? Je me souviens, comme cégépien, de l’arrivée de Jacques Parizeau au pouvoir. Résolument à gauche, social-démocrate assumé, bâtisseur du Québec moderne. Un penchant pour l’environnement (avant que ceci devienne à la mode), et pour l’égalité homme-femme (le recouvrement automatique des pensions alimentaires, pour seul exemple). Particulièrement en comparaison au PLQ de Daniel Johnson, le PQ était, sans ambages, de gauche ou, à tout le moins, de centre-gauche. Dichotomie claire et nette.
Arrive ensuite, après le référendum perdu, Lucien Bouchard. Une droite décomplexée, un virage ambulatoire, un sommet corporatiste, la course effrénée vers le maintenant célèbre déficit zéro. Ce même Bouchard qui, lors de la campagne référendaire, implorait les Québécois de voter OUI afin d’éviter «ce vent de droite qui souffle au Canada-anglais». Pour ce ponctuel frère d’armes de Mike Harris, appelons ça de l’ironie. En fait, mise à part la mise sur pied du programme de garderies (chapeau, d’ailleurs), on peut conclure, sans se tromper, que l’ère Bouchard en fut une d’austérité assez sévère sur le plan des dépenses publiques. La première ébauche du manifeste des Lucides, auquel participait d’ailleurs l’ex-premier ministre.
Bouchard parti, Bernard Landry revient quelque peu au centre. Trop peu, trop tard. Jean Charest lui ravit, aisément, le pouvoir. Nouveau chef, André Boisclair, connu comme l’un des favoris de Bouchard, s’emploie à défendre un plan socio-économique plutôt similaire. Rien à voir avec la gauche. De la droite ou centre-droite, en fait.
Après la dégelée de 2007 (le PQ devient alors la deuxième opposition officielle au profit de l’ADQ), on tente une nouvelle stratégie: compte tenu du terrain gagné par le parti de Mario Dumont (merci à la «crise» des accommodements raisonnables), le Parti québécois de Pauline Marois décide de se jeter, à plein corps, dans la piscine identitaire. Ceci mène, notamment, à la proposition de retirer certains droits démocratiques aux Québécois ne parlant pas un français jugé suffisant. On parlait ici de refuser à ceux-ci le droit de se présenter aux élections scolaires ou municipales, de présenter une pétition à l’Assemblée nationale et, pourquoi pas, de financer un parti politique. Joli. L’idéateur de ce beau concept? Jean-François Lisée….
On pourrait ensuite parler du projet de Charte des valeurs, mais la limite afférente au nombre de mots d’une chronique l’en empêche. Rappelons seulement que sous des fausses allures de «laïcité» celle-ci fut plutôt un prétexte pour casser du sucre sur le dos de la femme musulmane, le tout pour des fins parfaitement électoralistes. Rappelons les fameux «malaises» invoqués par le ministre Bernard Drainville en rapport au voile, ou encore le «vous êtes avec nous ou avec les intégristes» de Jean-François Lisée, et le tour est joué. Ajoutons à l’ère Marois un certain biais pro-pétrole (allô, Anticosti) et il est permis de conclure que ce court règne, hormis une idée de gauche glanée ici et là, n’avait rien de franchement social-démocrate.
Après la défaite de 2014, le PQ se cherche un nouveau chef. L’heureux élu? Pierre-Karl Péladeau, champion de l’histoire québécoise en matière de lock-out. Pour le progressisme, on repassera (encore).
Suite au départ hâtif du PDG de Québécor, il était encore permis pour le Parti québécois de faire table rase et renouer, un tant soi peu, avec son héritage de gauche. Le choix semblait, à cet effet, assez simple: Alexandre Cloutier. Parti bon premier dans la course (et de loin), ce dernier devait se faire tasser au passage par Jean-François Lisée, et ce, suite à trois coups de Jarnac devant passer à l’histoire: la fausse association avec Charkaoui, les accusations délétères pour avoir souhaité bonne fin de ramadan à ses amis musulmans (ô, sacrilège), et le coup des bombes (hum hum) sous les burqas.
Venant d’un homme ayant déjà écrit qu’il faudrait imposer aux immigrants un délai d’un an, après avoir obtenu leur citoyenneté canadienne, pour avoir le droit de voter aux élections ou à un référendum (Octobre 1995: Tous les espoirs, tous les chagrins, Québec Amérique, 2015), rien de surprenant. Idem quand on se souvient de sa déclaration à l’effet «qu’il y a des hidjabs partout, ça suffit!». Remplacez le terme «hidjabs» par n’importe quel autre signe religieux, et imaginez l’impact.
La principale morale de l’histoire? Qu’il ne s’agit pas de se déclarer progressiste pour l’être. Comme disait Shakespeare: «Ce que nous appelons rose, sous un autre nom, sentirait aussi bon»…
De par ses agissements de la dernière décennie, le Parti québécois a lui-même enfanté Québec solidaire, renforçant les rangs de celui-ci à chaque virage à droite, à chaque mesure identitaire, à chaque élan populiste.
S’agit, maintenant, d’assumer ses actes et leurs (plates) conséquences…