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Johnny: entrevue avec l’auteure Catherine Eve Groleau

Photo: François Couture/Collaboration spéciale

Catherine Eve Groleau fait des mythes de sa propre existence dans Johnny, qui mélange le tragique et la résilience.

L’essence de ce premier roman est apparue lorsque l’auteure était prisonnière du trafic sur une autoroute. «L’inspiration me vient souvent dans des endroits où je me sens seule mais entourée de monde», confie-t-elle lors d’une rencontre dans un café d’Ahuntsic.

Cette métaphore s’applique parfaitement aux héros de cette épopée: un jeune Amérindien qui se fait appeler Johnny lorsqu’il débarque à Montréal et la séduisante Valentine, qui vient d’un quartier pauvre. Tous deux aspirent à échapper à leur condition; toutefois, comme chez Zola, rien ne sera évident.

Leur désir de s’élever est en parfaite concordance avec le Québec de l’après-guerre, dont le rêve américain s’avère insouciant et parfois même violent, à l’image d’Icare qui se brûla les ailes en s’approchant trop près du soleil.

«Une des motivations de ce livre, c’est d’être redevable aux femmes qui sont passées avant nous, qui nous ont permis d’être là et qui nous ont permis de faire les choses que nous pouvons faire.» – Catherine Eve Groleau, qui propose des personnages féminins forts et complexes

La chute est pourtant la même que celle de bien des âmes qui errent et qu’on ne remarque guère. «Les gens qui font des jobines au Québec, qui n’ont pas beaucoup d’argent et qui sont dans le milieu populaire, il y en a plein, rappelle Catherine Eve Groleau. Je ne sais pas pourquoi, mais moi, ça me touche, ceux qui vivent des vies complètement invisibles. Il y a une sorte de beauté dans la banalité.»

Ces destinées sont enracinées dans un passé encore palpable sur lequel le mutisme s’imposait. «Je ne voulais pas trop rentrer dans mes personnages, avoue l’écrivaine. J’ai préféré montrer l’extrême silence de cette époque-là. Nos pères et nos grands-pères, on n’avait pas accès à leur émotions… Ce sont des gens qui ne parlent pas, qui vont trop vite et qui font juste ça, avancer. S’ils ne se posent pas de questions, c’est qu’ils ne réfléchissent pas beaucoup. Et s’ils ne réfléchissent pas beaucoup, je ne veux pas faire une psychologisation extrême de qui ils sont.»

Comme au cinéma
Avec son intrigue qui défile à toute vitesse, ses personnages constamment en mouvement et ses ellipses abruptes, Johnny propose un récit qui est loin d’être orthodoxe.

«Il y a une obligation pour les auteurs de littérature de suivre une narration, estime l’écrivaine Catherine Eve Groleau. Au cinéma, il y a une grande force des images: on saute d’une scène à l’autre. J’écris un peu comme ça. Surtout que j’adore la description. Je n’ai pas le goût d’être dans la tête des personnages: j’ai le goût de voir des images. La clarté n’est pas si importante. Je veux faire sentir davantage que suivre un fil logique.»

 

Johnny

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