Deux tuiles sur la tête des commerçants de Montréal-Nord
L’année 2018 débute bien mal pour les commerçants de Montréal-Nord. Ceux-ci anticipent une baisse d’achalandage due aux travaux du Service rapide par bus (SRB) prévus pour l’automne. Les propriétaires de commerce redoutent aussi l’arrivée de leur prochain compte de taxes.
Selon le portrait statistique publié par la Ville de Montréal, pas moins de 79,4% des propriétaires de commerce ou d’industrie de Montréal-Nord subiront une hausse de taxes se situant entre 2,5% et 5,0%.
La mairesse de Montréal-Nord, Christine Black s’est dit déçue du budget Plante et des hausses de taxes qui en découlent. «On a travaillé fort dans notre propre budget pour éviter justement de hausser le fardeau fiscal en limitant les dépenses. Même si nous avons fait pression pour faire amender le budget, il a été adopté sans modification», indique Mme Black. L’opposition voulait notamment que la hausse prévue de 1% de la taxe sur l’eau soit abolie.
Selon Palmina Panichella, directrice de la Chambre de commerce de Montréal-Nord (CCIMN), les inquiétudes sont nombreuses chez les membres. Son avis est sans équivoque. «Cette hausse constitue une réelle menace à la survie de plusieurs [petits] commerces. La hausse est assez importante pour mettre en péril la rentabilité de certains», soutient-elle en rapellant que ceux-ci subissent déjà la «compétition féroce des banlieues et des grands centres d’achats ou magasins à grande surface». Avec les travaux du SRB sur Pie-IX qui s’ajoutent, «voilà une recette très dangereuse», dit-elle.
SRB: un projet qui passe mal
Bien que les travaux routiers du boulevard Pie-IX figurent dans les plans de la Ville de Montréal pour 2018, on attend toujours le feu vert de Québec, qui participe aussi au financement du projet de SRB.
Reste qu’une baisse de clientèle est anticipée de la part des commerçants situés à proximité des travaux, qui n’est pas sans rappeler la baisse vécue durant les travaux de réaménagement de l’intersection Henri-Bourrassa/ Pie-IX et du démantèlement de son viaduc en 2012.
«Ça a commencé avant, soit avec l’arrivée du pont de la 25 [en 2011] qui a détourné une certaine clientèle passante, explique Maude Royal, propriétaire du restaurant Saint-Hubert. De notre côté, on a perdu un 10% de clientèle à ce moment, puis un autre 10% avec les travaux de démantèlement du viaduc. C’est sûr et certain qu’il va y avoir un impact avec ces travaux routiers. Est-ce que tout le monde va s’en sortir indemne? Je ne suis par certaine», indique celle qui exploite la rôtisserie depuis une dizaine d’années.
Pour ceux situés à proximité d’un lieu d’affaires de destination, comme par exemple, une banque ou centre d’entraînement, l’impact pourrait être moindre, mais pas nul, croit Mme Royal.
Ceci dit, elle ne se porte pas en faux contre le projet de SRB, puisqu’il est nécessaire d’améliorer le boulevard Pie-IX, mais elle en a plutôt contre la durée de ceux-ci. «On sait c’est quoi des travaux à Montréal, j’ai peur que ça s’éternise», dit-elle.
Jacinthe Sicotte, directrice de la Caisse populaire Sault-aux-Récollet et membre du récent Comité d’affaires de Pie-IX refuse d’être pessimiste. « Je crois qu’il faut être solidaire et bien se préparer à ces travaux. Est-ce que ce sera facile, peut-être pas, mais il faut voir la finalité du projet. Ce que je comprends c’est que c’est un projet nécessaire pour le bien du développement à Montréal-Nord avec l’arrivée de nouvelles infrastructures souterraines notamment», fait-elle valoir.
Rappelons en effet que les travaux comprennent la mise à niveau des conduites d’eau et la reconstruction de la chaussée de même que l’élargissement des trottoirs et du terre-plein central, ainsi que l’ajout de plusieurs centaines d’arbres.
De l’aide financière?
Angiolino D’Anello, président de l’Association des commerçants de la rue Charleroi, à proximité de Pie-IX, est de ceux qui refuse de baisser les bras et souhaite faire des représentations auprès des élus pour obtenir un réel soutient. «On se bat depuis longtemps pour survivre et on va continuer», soutient M. D’Anello. Il est toutefois lassé d’être de ceux qui contribuent continuellement, sans en voir de retombées positives ni de reconnaissance. «On veut de la transparence et de l’argent bien dépensé», affirme-t-il à l’égard de l’administration de la ville-centre.
La Chambre de commerce et d’industrie de Montréal-Nord (CCIMN) accompagne les commerçants afin que ceux du boulevard Pie-IX et de Charleroi unissent leurs forces pour porter leur cause à différents niveaux politiques. Des démarches pour demander de l’aide financière pourraient suivre afin de les aider pendant les travaux et après, mais rien n’a encore été annoncé à cet effet.
Entraves et détours
La fermeture à la circulation de la voie en direction sud du boulevard Pie-IX
est prévue de l’automne 2018 à l’automne 2019 avec une pause en hiver. Ensuite, du printemps à l’automne 2020, ce sera la voie en direction nord sur les 11 km. Pendant ces deux phases, 2 voies en direction sud et 1 voie direction nord seront maintenues dans la travée qui ne sera pas en construction.
Toutefois, lors des travaux de la voie réservée centrale, qui s’échelonneront du printemps à l’automne 2021, deux voies, une dans chaque direction sur le boulevard Pie-IX, seront maintenues.
D’autre part, soulignons qu’il y aura des voies de contournement, notamment pour la circulation locale des camions lourds qui doivent accéder aux commerces et industries du secteur. Bien que ces voies ne soient pas encore entièrement déterminées, on peut s’attendre à ce que des rues principales telles que Garon, Charleroi et Forest notamment soient utilisées à cet effet.
Enfin, il faut ajouter que le pont Pie-IX doit aussi être rénové et intégré au SRB, le tout en concertation. «C’est le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports (MTMDET) qui sera responsable des travaux et des communications en lien avec le pont Pie-IX», confirme la Société de transport de Montréal.