Gala ADISQ: presser le citron de la relève
Dimanche, vous le verrez dans la plupart des retours sur la soirée, c’était le triomphe d’Hubert Lenoir au gala de l’ADISQ présenté à la Place des arts de Montréal.
Le jeune musicien de Québec retourne à la maison avec trois Félix, dont celui de chanson de l’année pour Fille de personne II. Il est monté quatre fois sur scène au total si on inclut sa brève performance en début de soirée. On vous parlera un peu partout de sa coiffure, de ses vêtements, de son maquillage et de son trophée dans sa bouche. Il a marqué la soirée comme il a marqué l’année musicale au Québec.
Et pourtant, peut-on vraiment parler d’un triomphe pour Lenoir quand l’Académie l’utilise, avec ses confrères et consœurs de la relève, comme carburant pour alimenter une machine un brin poussiéreuse?
Avant de poursuivre, j’aimerais dire que j’ai bien aimé dans l’ensemble le gala. C’était ce que c’était. Louis-Josée Houde était très à l’aise pour sa 13e présence à l’animation et il a encore la touche pour être rassembleur et taquin sans tomber dans la gratuité. Il fait mouche souvent avec ses gags et on peut difficilement lui demander de quitter ce navire quand il le maîtrise aussi bien. Au niveau de l’émotion, Yvon Deschamps et Harmonium nous ont donné de beaux moments et la musique s’est aussi invitée par la grande porte, notamment avec Tire le coyote en duo avec Isabelle Boulay.
Ceci dit, il y a une organisation derrière Louis-Josée, ses bonnes blagues et nos musiciens. Cette organisation, même si elle lance des trophées aux pieds d’Hubert Lenoir, n’est pas réellement prête à accepter que la «game est en train de changer».
Le principal intéressé l’a d’ailleurs souligné en venant chercher le trophée pour l’album pop de l’année:
«C’est une victoire pour une toute nouvelle génération de musiciens qui en ont un peu rien à crisser. Yé trop tard, on s’en vient vous chercher. That’s it.» –Hubert Lenoir
On ne parle pas ici d’une révélation-choc quand on mentionne que les jeunes veulent «tasser» les vieux, mais c’est quand même évocateur d’un fossé entre les deux générations quand la classe au pouvoir doit, d’une main, combattre ceux qui convoitent leurs positions et, de l’autre, profiter de leur fougue pour continuer d’alimenter la machine lucrative qu’elle chapeaute.
Hubert Lenoir était au centre de la soirée, mais il n’a pas chanté une chanson complète. Il a récolté le plus de trophées, mais pas les plus prestigieux. Il a fait jaser avec son irrévérence, mais on a lancé le gala avec un medley hommage aux 40 ans de l’ADISQ assez malhabile et on a terminé le tout avec un medley hommage à Harmonium qui, bien que touchant, n’a sûrement pas captivé les plus jeunes qui n’ont pas le même rapport affectif au mythique groupe que les générations précédentes.
On ne peut pas espérer de l’ADISQ une seule voix uniforme pour plaire à tout le monde. Ce serait malhonnête et impossible. Sauf que j’ai de la difficulté à m’investir dans cette proposition quand j’ai l’impression d’assister à une mascarade. Comme si la révélation de l’année Hubert Lenoir, tout comme Loud et Lydia Képinski, pour ne nommer que ceux-là, était positionnée dans la soirée pour faire taire les critiques qui réclament plus de diversité. D’un autre côté, les résultats de l’industrie démontrent que la diversité n’est pas forcément ce que la majorité des Québécois souhaite quand vient le temps de voter avec ses achats.
Alors, il y a ici un piège duquel l’ADISQ ne se sortira pas de sitôt. Faut-il mettre la table pour l’avenir ou écouter les achats des spectateurs? Récompenser les succès critiques ou ceux populaires?
Je n’ai pas la réponse à ces questions, mais j’ai encore un petit inconfort quand je visionne un gala comme celui de l’ADISQ. Ça ne va pas si bien que ça, notre industrie, malgré le talent indéniable de nos artisans.