Le vestiaire du voyeur
Vous me connaissez, lorsque Canadien bénéficie d’un répit sur la glace, mon temps disponible explose et je ne sais pu quoi faire de cette liberté soudaine. Et comme d’habitude, lorsque j’ai honoré toutes mes passions, je finis à la librairie du coin, à la recherche de quelque chose à lire. Cette fois, ma libraire m’a suggéré un titre un peu gênant : Le motel du voyeur. De Gay Talese.
J’ai lu ça d’une traite, en disant à ma blonde que j’aimais l’aspect «enquête sociologique» de l’évolution des mœurs aux États-Unis que le livre raconte, mais entre vous et moi, le volet voyeur est mauditement intéressant. En gros, c’est l’histoire d’un motté qui a décidé, au Colorado, de modifier les trappes d’aération des chambres de son motel afin d’observer – sans être vu – à partir du grenier ce qui se passait dedans les chambres. Résultat : ça donne un laboratoire ethnologique parfait pour étudier les gens, une fois leurs masques enlevés.
En lisant ça, j’ai pas pu m’empêcher de penser à Canadien. Pourquoi? Parce qu’on le sait, dans le monde du gros hockey, ce qui se passe dans le vestiaire reste dans le vestiaire. Il y a bien sûr des journalistes sportifs qui nous rapportent un peu ce qui s’y passe, mais avec leur technique de question avec la réponse dedans, y a jamais rien dans leur travail pour satisfaire la faim de l’amateur qui voudrait élucider le mystère du pourquoi que Subban est parti et du pourquoi que Pacioretty était pas bon, bougon et bête comme ses deux patins l’an dernier.
Il nous en aurait fallu un de type voyeur comme le motté dans Le motel du voyeur pour colliger les infos sur l’évolution des mœurs et des mentalités chez Canadien au cours des 25 dernières années.
Au fil du temps, il y a bien eu des journalistes de type «sniffeux de pets», comme Michel Villeneuve, mais il nous en aurait fallu un de type voyeur comme le motté dans Le motel du voyeur pour colliger les infos sur l’évolution des mœurs et des mentalités chez Canadien au cours des 25 dernières années. Ça aurait grandement contribué à expliquer la mentalité de perdant qui s’est installée depuis 1993.
Ah, mais j’entends des lecteurs me dire que ça n’aurait pas de bon sens, que Canadien a le droit à son intimité quand il prend sa douche ou lorsqu’il fait pipi ou caca pendant (ou après) les matchs. Je veux bien. Mais lors de la pause du match des étoiles l’an dernier, je me souviens d’avoir lu Surveiller et punir, de Michel Foucault. Et l’idée du dude est simple : le monde post-moderne est surveillé partout, tout le temps, par un effet panoptique, et les gens finissent par oublier le pouvoir que ça donne à celui qui observe. Bref, le monde, c’est des caves.
Ainsi, c’est clair comme l’eau d’une gourde que TOUTE ce qui se passe sur la patinoire est déjà filmé sous plusieurs angles et connu de l’autorité cachée qui, avez-vous remarqué, comme dans la théorie de Foucault, ne veut jamais s’exposer. En effet, les gars de la LNH à Toronto qui refusent des buts à Canadien pour nous écœurer, on les voit jamais à tv.
Bref, Canadien n’a déjà plus d’intimité, c’est ce que je voulais dire. Je pense donc qu’on est prêt pour qu’un journaliste devienne un parfait voyeur dans le vestiaire et qu’il nous révèle enfin ce qui ne marche pas dans ce club-là depuis 25 ans. D’ici là, lisez Le motel du voyeur, c’est excellent.