Le monstre: faire de la bonne télé ou une bonne éducation?
Cette semaine, ICI TOU.TV mise gros sur sa nouvelle série dramatique inspirée du récit d’Ingrid Falaise qui, dans un livre autobiographique il y a quelques années, partageait avec le Québec sa terrible histoire d’amour avec un conjoint qu’elle nommera, à juste titre, Le monstre.
Les six épisodes de la dramatique Le monstre seront dévoilés le 21 février dans la portion payante de la plateforme de diffusion. Vous verrez dans ceux-ci le récit romancé de la comédienne, autrice et conférencière qui, ici, prête sa vie à Sophie (Rose-Marie Perrault) qui s’extirpe des griffes d’un amant abusif, jamais nommé durant les épisodes – tout comme dans le livre.
Vous le lirez partout cette semaine, le récit de Falaise est bouleversant et difficile à vivre pour l’auditoire, et on ose à peine imaginer la perspective de la principale intéressée. Cette version romancée par l’autrice Chantal Cadieux et réalisée par le vétéran Patrice Sauvé n’est pas plus douce que le livre de Falaise. En fait, avec l’utilisation d’une narration menée par Falaise, on se colle très rapidement à la réalité même si, on le sait, des libertés sont prises.
Sans faire du documentaire, on sent un réel souci d’éduquer sur les dangers des relations abusives.
On peut difficilement porter un chapeau de critique devant une telle production puisque le mandat est double. Oui, il y a l’enjeu de créer une série captivante pour l’auditoire afin de l’inciter à consommer l’entièreté de la chose. Mais il y a aussi cette nécessité de rendre justice au vécu de Falaise qui, humblement, se donne entière à cette dramatique avec ses mots, sa voix et sa vie.
Critiquer la série, d’une certaine façon, c’est critiquer la vie, mais aussi l’œuvre utile que Falaise mène courageusement depuis plusieurs années pour que ses cicatrices s’imposent comme un phare dans les nuits troubles de jeunes femmes en déroute comme elle l’a déjà été.
Ceci dit, c’est quand même déplorable qu’au Québec les histoires difficiles soient automatiquement traitées avec les codes archaïques du téléroman où les émotions et les traits de caractère sont peinturés au rouleau afin d’évacuer toutes formes d’ambiguïtés. Ainsi, une musique écrasante et des dialogues génériques font entrave à l’émotion brute du récit de Falaise, qui pourtant n’avait pas besoin de ces surenchères pour susciter des réactions vives – comme en témoigne le succès de son livre et de ses conférences.
Le monstre sera aussi comparé à Fugueuse. Les deux productions partagent le même défaut, c’est-à-dire une agaçante absence de nuance dans la façon de déployer le récit.
C’est blanc ou c’est noir, c’est l’extase ou l’agonie. Entre les deux, que des raccourcis narratifs. Ça devient vite frustrant parce que le puissant témoignage de Falaise est transformé ici en banale relecture d’une quelconque histoire de violence conjugale où tout est positionné pour éduquer plus que pour émouvoir.
Ce n’est pas forcément mal de le faire ainsi, mais je cache mal ma déception d’être devant une «infopub» visant à aider des femmes en détresse. L’outil narratif est mécanique et utilitaire à défaut d’être inspiré et inspirant.
C’est dommage. La série fera beaucoup de bruits malgré tout puisque l’histoire de Falaise, même traitée aussi maladroitement, reste essentielle à partager.