La critique, d’accord, mais la haine, non
Est-ce qu’il suffit d’invoquer la liberté d’expression et la critique pour que tout propos devienne légitime?
La plupart s’entendront pour dire que non. Que la liberté d’expression ne donne pas carte blanche pour insulter ou appeler à la violence. Mais ça se brouille lorsqu’il s’agit des musulman-es. Quand on soulève la question de l’islamophobie, l’une des répliques les plus récurrentes est: «On a le droit de critiquer une religion!»
Oui, on a effectivement le droit de critiquer une religion. On a même le droit de la haïr, la trouver ridicule et rétrograde. En revanche, le fait qu’on haïsse une religion ne justifie pas de projeter cette haine envers des personnes en chair et en os.
Comment alors déterminer qu’un propos excède le cadre de la critique légitime?
Voici quelques pistes:
Si un propos fait appel à la violence envers un groupe, de type «il faut les exterminer», ce n’est pas une critique légitime. C’est une incitation – illégale – à tuer des gens.
Si un propos est basé sur une généralisation abusive, comme «les musulmans haïssent le Québec», ce n’est pas une critique légitime, puisqu’on étend une affirmation arbitraire à un ensemble d’individus. On a bien le droit, mais ce n’est ni rigoureux ni honnête.
Dans la même veine, si un propos reproduit des stéréotypes, par exemple «les musulmans ont une culture barbare et ils sont violents», ce n’est pas une critique légitime, puisqu’on se sert d’un préjugé pour tirer des conclusions à l’égard de plein d’individus qu’on ne connaît pas. Encore une fois, ce n’est pas interdit, mais un tel argumentaire est peu glorieux.
Si un propos a pour effet d’alimenter la haine, comme dans le cas où un chroniqueur écrirait des centaines et des centaines de textes méprisants sur les musulman-es, ce n’est pas une critique légitime. C’est plutôt une forme de propagande qui encourage l’hostilité.
Si un propos est basé sur des faussetés, du genre «les musulmans veulent bannir Noël, il n’y a plus de sapins nulle part», ce n’est pas une critique légitime. C’est une information mal fondée qui donne du carburant au ressentiment.
Finalement, on ne peut ignorer dans quel contexte s’inscrit une soi-disant critique. Sachant que les musulman-es sont érigés en bouc-émissaire, est-ce vraiment responsable et utile d’écrire des propos virulents en faisant fi de la machine à haine qu’on nourrit?
Évidemment, on n’est pas des robots, tous nos propos ne peuvent être régulés au détail près. Et tout le monde doit avoir l’occasion d’apprendre. Mais il y a des notions de base, simples à respecter, pour ne pas tomber à répétition dans le discours haineux. C’est un strict minimum, autrement on participe à dégrader la société. Puis ça, c’est non.
Ce texte est le deuxième d’une série de trois chroniques portant sur l’islamophobie.
À lire aussi:
L’islamophobie est bel et bien du racisme (première partie)
Fauteurs de trouble (dernière partie)