Fleabag : l’humanité et ses touchantes nuances
C’est passé complètement sous mon radar il y a quelques années, mais la sortie sur Amazon Prime d’une deuxième saison pour la série britannique Fleabag a ramené le tout dans les bonnes grâces de l’algorithme. De plus, la chaude recommandation d’une amie m’a convaincu d’offrir une chance à la création de l’auteure et comédienne Phoebe Waller-Bridge et je dois avouer que je n’ai aucun regret d’avoir dévoré la première saison de Fleabag en quelques heures seulement.
C’est bon à ce point.
Fleabag, c’est les complexes aventures d’une femme dans la fin vingtaine / début trentaine (Waller-Bridge) qui gère du mieux qu’elle peut un café au bord du gouffre et le deuil de sa meilleure amie. Elle jongle aussi avec le décès relativement récent de sa mère et des relations tendues avec son père, sa belle-mère et sa sœur. Sa façon d’affronter le tout est essentiellement de multiplier les conquêtes sexuelles et les blagues un peu acides. Sauf que résumer Fleabag ainsi serait trop réducteur, ce n’est que la surface d’une très riche fiction.
En fait, Fleabag est l’adaptation d’une pièce de théâtre de Waller-Bridge qui, avec l’aide de monologues introspectifs, racontait la fin de sa vingtaine avec des questionnements complexes comme «suis-je une bonne féministe si je regarde de la porno?». À tort, on a comparé Waller-Bridge à Lena Dunham et à sa série Girls sur les ondes de HBO, mais il y a des textures dans Fleabag que Girls n’a pas tant effleuré dans ses explorations sur plusieurs saisons.
Ainsi, Fleabag traite en 6 épisodes de trente minutes par saison d’un large éventail d’émotions – de la culpabilité au désir sexuel en passant par l’amour tant en couple que familial. La série n’est pas un drame ni une comédie et ce n’est surtout pas une «dramedy», la contraction utilisée pour enfermer les fictions dans une zone grise entre les deux. C’est tout simplement une série très personnelle, intime, à l’image de sa créatrice, Waller-Bridge, qui expose clairement des années de gestation sur les pages de ses scénarios.
Ça ne se simule pas. Ce n’est pas une formule, ni un genre ou un style. C’est la vie dans nos fictions et des créateurs avec ce talent, il faut les chérir et prendre leurs propositions comme un cadeau, un privilège. Phoebe Waller-Bridge pourrait être la voix de sa génération, mais elle choisit plutôt d’être sa voix à elle sans s’encombrer de faire dans la formule pour s’attirer un grand public.
Je ne vais pas vous dire que Fleabag est la meilleure série disponible en ligne parce que je n’aime pas ces hyperboles, mais une partie de moi le pense quand même. Il y a une rare richesse dans cette série qui vaut le détour et, surtout, ne vous laissez pas froisser par les blagues plus crues à saveurs sexuelles. Il n’y a rien de gratuit ici, pas même les scènes de masturbation. Tout est méticuleusement placé pour faire évoluer les sentiments et les réflexions et ça, en plus d’être rare, c’est merveilleux.