La police autochtone serait-elle la solution aux tensions à Oka?
Le grand chef des Mohawks de Kanesatake, Serge «Otis» Simon, se rendra finalement à la rencontre prévue vendredi avec Québec, Ottawa et la municipalité voisine d’Oka. Le climat de tensions actuel sera abordé, tout comme la création d’une police autochtone.
Simon avait jusqu’à maintenant refusé d’y participer en raison des propos jugés racistes du maire d’Oka, Pascal Quevillon.
«Une seconde rencontre incluant le maire d’Oka pourrait également avoir lieu. […] Cependant, pour qu’il puisse y avoir une discussion productive dans la paix et l’harmonie, le grand chef réitère sa demande d’excuses de la part de M. Quevillon», peut-on lire dans un communiqué envoyé jeudi.
Depuis la semaine dernière, Oka et Kanesatake sont à couteaux tirés sur une portion de la pinède d’Oka qu’un promoteur veut céder aux Mohawks. Inquiété par la prolifération de «cabanes à pot» et de sites d’enfouissement illégaux en bordure de sa ville, le maire d’Oka invite le gouvernement fédéral à se pencher sur le dossier.
Vers une police autochtone?
En bordure de la route 344, sur le territoire de Kanesatake, les «cabanes à pot», des installations illégales, se multiplient. M. Simon se dit conscient de la situation, mais soutient ne pas pouvoir changer les choses sans l’intervention de forces policières.
Pour y contrevenir, Kanesatake étudie actuellement l’implantation dans le secteur d’une police «indépendante, mais sous le contrôle des Premières Nations», ce qui serait une première dans la communauté en près de 15 ans.
«J’avais considéré que nos soeurs communautés d’Akwesasne, de Kahnawake, de Wahta, qu’elles pourraient nous envoyer des membres pour faire partie d’un comité de gestion et pour surveiller l’éthique des policiers», propose le porte-parole du conseil, en entrevue avec Métro.
Rejoint par téléphone, le chef des Peacekeepers de Kahnawake, Dwayne Zacharie, se dit intéressé par la proposition du chef Simon.
«C’est notre communauté soeur, alors nous voulons les aider à faire progresser leur cause. Nous devrions avoir des discussions pour savoir exactement ce qui est demandé, mais si c’est de l’entraînement ou de l’assistance, nous sommes ouverts», ajoute M. Zacharie.
Au Québec, 80% des communautés autochtones sont desservies par un Corps de police autochtone (CPA). Au Canada, on trouve des services policiers inuits et des Premières Nations dans plus de 450 collectivités.
Certaines communautés, comme Kanesatake, doivent cependant se débrouiller sans. C’est la Sûreté du Québec (SQ) qui y assure le devoir de sécurité publique.
Kanesatake a déjà fait appel à un corps policier, rappelle M. Simon, mais «il était hautement politisé», ce qui avait mené à sa dissolution au milieu des années 2000. «Jusqu’à ce que la communauté retrouve sa stabilité», le grand chef propose donc l’arrivée d’une police chapeautée par les autres communautés mohawks du Québec et de l’Ontario.
Le maire d’Oka, Pascal Quevillon, milite aussi pour l’implantation d’un corps policier «complètement détaché du conseil mohawk». «Selon moi, la seule solution, c’est que ça passe par la GRC. Pour enlever la chaleur sur le conseil», explique-t-il en entrevue.
Présence locale
Les divers chefs de police contactés par Métrosont unanimes:la présence de corps de police autochtones dans les communautés de la province permet une meilleure adaptation aux besoins de la population.
Selon Dwayne Zacharie, «les polices des Premières Nations fournissent un service adapté à des communautés uniques».
«Il y a une différence majeure entre les polices autochtones et la SQ, par exemple. Les services non autochtones ne peuvent pas fournir un officier qui est familier avec les besoins de la communauté» – Dwayne Zacharie, le président de l’Association des chefs de police des Premières Nations.
Même son de cloche chez le Directeur de la police de Wendake, Jean Duchesneau, qui constate que la connaissance des langues autochtones dans certaines régions peut être primordiale.
«Le service qui est offert est culturellement adapté, observe-t-il. On a une approche différente des autres services de police au Québec. C’est peut-être un trait de caractère: plus de communication, plus de prévention.»
Les CPA bénéficient aussi d’être plus près des populations, d’après le directeur du Corps de police des Abénakis, Éric Cloutier. «En étant directement sur les communautés, on est plus présents et plus proactifs. En comparaison, la SQ couvre vraiment un plus grand territoire», constate-t-il.
La SQ en garde-à-vous
C’est la SQ de la MRC de Deux-Montagne qui dessert actuellement la communauté de Kanesatake, mais le service de police ne souhaite pas «jeter de l’huile sur le feu» dans le contexte actuel, convient le lieutenant Hugo Fournier.
Le grand chef Serge Simon avance que la relation avec les membres du corps de police provincial «est bonne en général», mais que la situation est précaire. «La crise d’Oka, c’était entre nous et la SQ, pas nécessairement nous et le maire [Jean] Ouellette», rappelle-t-il.
«Si aujourd’hui, un policier arrive sur une scène, est obligé de dégainer une arme et tue un Mohawk, les gens ici ne voudront pas savoir si c’était justifié ou non», illustre le grand chef