Le monde dans l’attente du pic de l’épidémie de coronavirus
Plus de 35 000 morts, dont un bébé, le cap des 500 morts franchis en Belgique et des 10 000 en Italie, 800 nouveaux décès en 24 heures en Espagne: le bilan du coronavirus ne cesse de s’alourdir et le monde attend le pic de l’épidémie.
La crainte d’une récession en Allemagne et d’une paralysie des États-Unis faisait reculer les Bourses lundi, alors que plus de quatre habitants de la planète sur dix sont désormais confinés dans l’espoir d’endiguer la progression de l’épidémie de coronavirus.
Deuxième pays le plus touché avec 7340 décès, l’Espagne connait pourtant depuis quelques jours un ralentissement de la progression des cas mortels et des nouveaux cas d’infection, nourrissant l’espoir que le pic est pour bientôt, dans une Europe où 25 000 personnes ont déjà succombé au nouveau coronavirus.
Pas de quoi rassurer les Bourses européennes pour autant, qui reculaient de nouveau lundi, dans le sillage des marchés asiatiques.
Les États-Unis «dépassés»
La raison de ce pessimisme? Locomotive de l’Europe, l’économie allemande pourrait se contracter de 2,8% en 2020, selon le scénario retenu par le Comité des sages économiques qui conseillent le gouvernement. Mais de 5,4% dans le pire des scénarios.
«La multiplication des cas de coronavirus aux États-Unis, qui semblent dépassés par la situation», est aussi «un sujet d’inquiétude» pour les marchés, selon John Plassard, spécialiste de l’investissement chez Mirabaud.
Alors que 140 000 Américains sont infectés, sur plus de 700 000 cas officiellement déclarés dans le monde, Donald Trump ne prend plus le Covid-19 à la légère.
«Potentiellement 2,2 millions de personnes» auraient pu mourir du virus si «nous n’avions rien fait», a reconnu le président américain dimanche.
Son conseiller sur la pandémie, le Dr Anthony Fauci – avec lequel il semble désormais sur la même longueur d’onde – a estimé pour sa part que le virus pourrait faire «entre 100 000 et 200 000 morts», contre près de 2400 actuellement.
La perspective que la locomotive de l’économie mondiale cale pèse également sur les cours du pétrole: le baril européen de Brent a atteint lundi 22,58 dollars, un niveau plus vu depuis 2002.
Transports au point mort
Plus de 3,38 milliards de personnes étant astreintes à rester chez elles, soit environ 43% de la population mondiale, les transports sont au point mort, et la demande d’or noir aussi.
Au Zimbabwe, où la police patrouillait massivement lundi dans les rues de la capitale Harare pour faire respecter l’ordre de confinement, des habitants se désolaient de l’arrêt brutal des moyens de transport.
«On aurait préféré passer ces trois semaines dans notre village, où on n’a pas besoin de tout acheter», a témoigné Most Jawure, en attente d’un bus qui ne vient pas. «Je ne peux pas nourrir ma famille ici si je ne travaille pas».
Lagos, mégapole tentaculaire de 20 millions d’habitants, et Abuja, capitale du Nigeria, ont décrété à leur tour lundi un confinement total dans le pays le plus peuplé d’Afrique, qui comptabilise 97 cas déclarés.
Désormais, les 12,5 millions de Moscovites ne seront plus non plus autorisés à sortir de chez eux que pour se rendre au travail, si nécessaire, se ravitailler ou pour les urgences médicales.
Résultat, à l’heure de pointe lundi, le centre-ville de Moscou était quasi-déserté par les piétons et le trafic automobile beaucoup moins embouteillé que d’ordinaire.
En attendant le pic de l’épidémie de coronavirus
Partout où le coronavirus fait des ravages, on guette fébrilement le pic du taux de mortalité, annonciateur d’un reflux et d’un désengorgement des services de réanimation.
Aux États-Unis, il devrait être atteint «dans deux semaines», selon le président Trump; en Europe, les autorités sanitaires espèrent s’en approcher.
En attendant, en Italie, pays qui enregistre le record mondial de décès (10 779 pour 97 689 cas recensés), le confinement commence à produire des résultats encourageants après trois semaines.
«Dans tous les services d’urgences, on enregistre une réduction» des arrivées de patients, selon Giulio Gallera, responsable de la santé de la région septentrionale de Lombardie, la plus touchée.
Mais en France, où plus de 2600 personnes ont succombé au virus, les soignants sont au bout du rouleau.
«Ce matin, en me réveillant, je pleure. En déjeunant, je pleure. En me préparant, je pleure (…) Là, dans les vestiaires de l’hôpital, je sèche mes larmes. J’inspire. J’expire. Les gens dans les lits pleurent aussi et c’est à moi qu’il incombe de sécher leurs larmes», témoignait sur Facebook, Elise, infirmière à Besançon (est).
En Grèce, c’est la crainte d’une bombe à retardement sanitaire qui dominait lundi, après l’annonce qu’une grande-mère âgée de 76 ans est décédée du coronavirus à Lesbos, cette île en mer Egée où est situé le camp surpeuplé de migrants de Moria.
«L’Europe en danger»
Souvent montrée en exemple pour sa gestion de l’épidémie, l’Allemagne ne recense que 389 décès, alors qu’elle peut aligner 25 000 lits d’assistance respiratoire. Mais, avec 17 000 postes d’infirmières non pourvus, il n’est pas exclu que le pays finisse par connaître une situation à l’italienne, avec des hôpitaux débordés, selon Lothar Wieler, le responsable de l’Institut Robert Koch, chargé de piloter la lutte contre l’épidémie outre-Rhin.
Pourra-t-elle alors compter sur la solidarité européenne? L’épidémie de Covid-19 met en danger «le projet européen, qui risque de sombrer» en raison des divisions internes à l’UE, a mis en garde lundi le commissaire européen à l’Économie, l’Italien Paolo Gentiloni.
Une solution doit être trouvée «à travers un dialogue avec l’Allemagne sans laquelle on ne trouvera pas un compromis», a-t-il ajouté, alors que l’idée que l’Europe mutualise solidairement sa dette est rejeté par les pays du Nord, comme au moment de la crise de la dette grecque.