Coronavirus: cessez-le-feu unilatéral décrété par la coalition au Yémen
Un cessez-le-feu unilatéral décrété par la coalition menée par les Saoudiens a débuté jeudi au Yémen, Ryad disant espérer que cette trêve permettra de contribuer à prévenir une propagation de la pandémie du nouveau coronavirus dans ce pays ravagé par la guerre.
Les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran et contre lesquels intervient la coalition depuis 2015, n’ont pas réagi formellement à ce cessez-le-feu de deux semaines, entré en vigueur à 9h GMT.
Mais l’un de leurs responsables s’est montré sceptique: les Saoudiens «sont malhonnêtes et violent chaque trêve qu’ils annoncent», a-t-il déclaré.
L’annonce de la trêve vise à «éluder la véritable vision» pour une fin du conflit, a ajouté Yasser al-Houri, secrétaire général du Conseil politique, une haute instance dirigeante des rebelles.
Il faisait référence à un plan de paix en cinq points présenté par les rebelles avant l’annonce du cessez-le-feu.
Protéger les civils du coronavirus au Yémen
Si la trêve tient, ce serait la première percée diplomatique depuis que les belligérants ont accepté un cessez-le-feu négocié par les Nations unies dans la ville portuaire stratégique de Hodeida (ouest) lors de pourparlers interyéménites en Suède fin 2018.
Ce geste de conciliation fait suite à une escalade des combats au Yémen, malgré l’appel de l’ONU à une cessation immédiate des combats pour protéger de la pandémie les civils du pays le plus pauvre du monde arabe.
Un responsable saoudien, dont le pays dirige la coalition intervenant en soutien au gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale, a déclaré mercredi que la trêve pourrait être prolongée et ouvrir la voie à une solution politique plus large.
Dans le document publié par les rebelles avant l’annonce de la trêve, les Houthis, qui contrôlent de larges pans du pays dont la capitale Sanaa, développent de leur côté leur vision d’une fin du conflit.
Ils appellent au retrait des troupes étrangères et à la fin du blocus de la coalition sur les ports et l’espace aérien du Yémen.
Ils exigent également que la coalition paie les salaires des fonctionnaires pour la prochaine décennie, et finance la reconstruction, notamment des bâtiments détruits lors des frappes aériennes.
L’envoyé spécial de l’ONU Martin Griffiths s’est félicité de la trêve, appelant les belligérants à «cesser immédiatement toutes les hostilités», une «urgence absolue».
Avant lui, le chef des Nations unies, Antonio Guterres avait estimé que seul «le dialogue» permettrait aux parties de «se mettre d’accord sur un mécanisme permettant de maintenir un cessez-le-feu à l’échelle nationale«. Il avait appelé à «la reprise d’un processus politique pour parvenir à un règlement global».
Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a salué l’offre de trêve, y voyant une «rare occasion de mettre fin à l’effusion de sang au Yémen».
Le cessez-le-feu intervient alors que l’Arabie saoudite, confrontée à la chute des prix du pétrole, cherche à se sortir d’un conflit coûteux qui a tué des dizaines de milliers de personnes et déclenché ce que les Nations unies qualifient de pire crise humanitaire au monde.
«Faire preuve de bonne volonté»
Mercredi, le vice-ministre saoudien de la Défense, le prince Khaled ben Salmane, a appelé les rebelles à «faire preuve de bonne volonté».
«Le cessez-le-feu de deux semaines créera, espérons-le, un climat de nature à apaiser les tensions» et à aider les efforts onusiens en vue d’«un règlement politique durable», a déclaré le prince Khaled sur Twitter.
Le Yémen n’a annoncé jusqu’ici aucun cas de contamination par le nouveau coronavirus mais des organisations humanitaires ont averti d’un impact catastrophique.
L’Arabie saoudite, le gouvernement yéménite et les rebelles ont tous accueilli favorablement l’appel de M. Guterres en faveur d’un cessez-le-feu mondial pour protéger de la pandémie les personnes vulnérables dans les zones de conflit.
Pour Fatima Abo Alasrar, chercheuse au Middle East Institute, la réponse des Houthis va déterminer le sort de la trêve.
Or, selon elle, «les Houthis ont ouvert de multiples fronts qu’ils ne peuvent pas se permettre de fermer».
Les combats se sont récemment intensifiés entre les Houthis et les troupes yéménites soutenues par Ryad autour de zones stratégiques des provinces de Jouf et de Marib, au nord et à l’est de Sanaa, après des mois d’accalmie.
Et les défenses anti-aériennes saoudiennes ont intercepté des missiles des rebelles au-dessus de Ryad et de la ville frontalière de Jazan fin mars.
Il s’agissait de la première grande attaque contre l’Arabie saoudite depuis que les rebelles ont proposé en septembre dernier de mettre fin à ces opérations contre le royaume après des attaques dévastatrices contre les installations pétrolières saoudiennes.
La semaine dernière, la coalition a effectué de multiples frappes aériennes sur Sanaa en représailles aux tirs de missiles.