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«Flashwood»: errances de banlieue

Les comédiens de Flashwood
Quelques personnages du film «Flashwood» Photo: Entract Films

S’il n’avait pas connu le succès à un très jeune âge en tant qu’acteur, Jean-Carl Boucher aurait peut-être flâné avec les jeunes de banlieue dont il capte des fragments de vie dans son premier long métrage de fiction, Flashwood

Le réalisateur de 26 ans a un impressionnant CV pour son âge. Dès le début de l’adolescence, il était en vedette dans deux films à succès : Un été sans point ni coup sûr de Francis Leclerc et 1981 de Ricardo Trogi, cinéaste qu’il a retrouvé dans 1987 et 1991.

Neuf ans après le court métrage Medium Saignant, le revoilà derrière la caméra avec Flashwood, chronique estivale sur la vie de jeunes de banlieue.

Chronique de ce qu’aurait pu être sa jeunesse et celle des acteurs qui tiennent les rôles principaux dans son film (notamment Pier-Luc Funk et Simon Pigeon, ses potes depuis Un été…) s’ils n’avaient pas entamé leurs carrières si jeunes.

En plus, «la plupart des comédiens et comédiennes dans le film,  on a grandi en banlieue», souligne celui qui vient de Boisbriand, sur la Rive-Nord de Montréal, qui fait office de décor à Flashwood.

Pour la petite histoire, le titre du film fait référence au surnom que les jeunes du coin donnent à leur ville. «C’est comme si les petits bums de la place n’assumaient pas qu’ils viennent de Boisbriand. Je trouve ça tellement absurde… réfléchit-il. En même temps, ça a du sens quand tu as 15, 16 ans. C’est une façon de se réapproprier l’endroit.»

Flashwood dépeint le quotidien de ces petits bums, notamment celui des frères Luc et Hugo (Pier-Luc Funk et Antoine Desrochers) et de leurs amis Ti-Max (Maxime Desjardins-Tremblay) et Louis (Simon Pigeon).

Leur vie est rythmée par les premières expériences amoureuses et sexuelles, la consommation de bière et autres substances dans des stationnements de dépanneurs et de discussions crues.

«Du vrai monde»

A priori, la bande est peu attachante. Les gars sont souvent vulgaires, parfois agressifs. «C’est vrai que je n’ai pas montré la vision la plus positive, dit le jeune réalisateur. C’est un peu trash dans un sens. Mais c’est un âge où on peut se permettre de montrer des personnages un peu plus… froissants, disons, parce qu’ils se cherchent.»

Leurs défauts font la force de ces personnages, selon Pier-Luc Funk. «C’est du vrai monde. Tous les moments où ils agissent en trous de cul, on les a vécus d’une façon ou d’une autre.»

Son collègue Simon Pigeon cite en exemple son alter ego dans le film, qui semble au départ être «le bon gars de la gang». «Mais dans la deuxième partie, ses affaires ne vont pas exactement où il veut qu’elles aillent, donc il tourne les coins ronds dans ses valeurs et dans sa moralité pour arriver à ses fins. Il y a quelque chose de beau là-dedans, parce que beaucoup de gens agissent ainsi.»

Ces personnages évoluent au cours du film tourné sur une période de sept ans. «Ils vont tous apprendre quelque chose par rapport à eux-mêmes en cours de route», remarque Jean-Carl Boucher.

«On sent que nos gars sont des petits bums avec une rage intérieure, ajoute Pier-Luc Funk. Ce sont des misfits; ils ne fittent pas avec l’univers dans lequel ils baignent. C’est ce qui fait ressortir leurs défauts.»

Film exploratoire

Flashwood a pris plusieurs formes dans l’esprit de Jean-Carl Boucher. Ce qui devait être «un genre de court métrage exploratoire» et qui a même failli se transformer en exposition photo est finalement devenu un film de fiction.

Rien n’est conventionnel dans ce projet réalisé sans subvention. On en a un exemple flagrant dès le début de notre rencontre avec les acteurs Pier-Luc Funk et Simon Pigeon. Lorsqu’on leur demande ce qui leur a plu dans le scénario, les deux répondent presque à l’unisson: «À la base, il n’y avait pas de scénario, en fait.»

Le réalisateur détaille qu’il avait d’abord un canevas de 25 pages. «Je voulais quasiment qu’il n’y ait pas d’histoire, décrit-il. Je voulais juste que ce soit des portraits, des vignettes avec des personnages super réalistes.»

Avec cette idée en tête, l’équipe a tourné ce qui est devenu la première partie du film en à peine cinq jours.

Mais, oh! Surprise! Les scènes que Jean-Carl Boucher avait imaginées sont devenues «beaucoup plus narratives» qu’il le prévoyait. Les acteurs ont surpassé ses attentes, explique-t-il. «Il est arrivé des moments de jeu inespérés par rapport au temps et à l’ambition qu’on avait.»

Résultat: il a assemblé une heure de matériel. Une durée trop longue pour un court métrage et trop courte pour un long métrage. «Une heure, c’est comme rien!»

Après avoir mis momentanément le projet de côté, Jean-Carl Boucher a réuni à nouveau son équipe afin de reprendre le tournage cinq ans plus tard, un peu à la façon de Boyhood.

«Il y a eu beaucoup d’étapes!» lance-t-il en riant. «Flashwood a été un work in progress», résume Pier-Luc Funk.

Si tout le monde a replongé dans l’aventure, c’est notamment grâce à l’amitié solide qui unit l’équipe du film. «Il s’est passé tellement de magie», s’enthousiasme le réalisateur.

Cette confiance totale de part et d’autre leur a permis de tourner des scènes marquantes. Comme celle dans le bois où Luc, hache à la main, s’en prend à Ti-Max, son ami en fauteuil roulant. «Cette scène est dans ma mémoire à tout jamais», commente Pier-Luc Funk.

Une scène choquante à regarder qu’à tourner, confirme Simon Pigeon, qui se souvient en détail de ce moment tendu. «Tu as fini la scène pratiquement en syndrome de stress post-traumatique, tu t’es rendu à un tel niveau…», dit-il en s’adressant à son collègue.

Comme des nouvelles littéraires

Bout à bout, les tranches de vie captées par la caméra de Jean-Carl Boucher forment un film sans trame narrative définie, dans lequel on découvre des fragments de vie de personnages éphémères en plus de suivre l’évolution des protagonistes.

«C’est important! s’emballe le cinéaste à ce sujet. Je suis vraiment amateur de nouvelles littéraires. J’aime quand un auteur raconte des choses similaires, mais dans des contextes et avec des personnages différents.»

Jean-Carl Boucher aimait aussi l’idée que sa caméra puisse passer d’un personnage à l’autre «comme dans un jeu vidéo». Après tout, «tout le monde a une vie et des histoires», dit-il.

Dans une scène puissante, la caméra délaisse momentanément les personnages de Luc et Louis pour suivre leur patron, qui a une discussion aussi courte qu’éprouvante avec sa fille.

«Si je montre leur boss, pourquoi ne pas prendre une petite pause pour aller voir ce qu’il vit avec sa fille? On comprend alors que, oh mon dieu, il est malheureux, ça ne va pas bien! Puis on revient dans la réalité des protagonistes.»

Cette originalité dans la mise en scène est un des points forts de Flashwood. À ce propos, on vous laisse sur ce judicieux conseil de Pier-Luc Funk: «Il faut regarder ce film avec un œil poétique pour l’apprécier à sa juste valeur».


Flashwood prend l’affiche ce vendredi

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