Centrale de Churchill Falls: les Innus du Labrador demandent 4 G$ à Hydro-Québec
Accusant Hydro-Québec d’avoir fait du profit «sur son dos», la Nation innue du Labrador va en justice. Elle demandera 4 G$ à la société d’État pour ses activités en lien avec la centrale électrique de Churchill Falls, qui a mené lors de sa construction à l’inondation de terres ancestrales autochtones.
Déposée mardi en Cour suprême à Terre-Neuve-et-Labrador, la requête introductive d’instance suggère qu’Hydro-Québec a engrangé plusieurs milliards de dollars de profits avec Churchill Falls tout en participant indirectement à l’inondation des terres autochtones de la région, au siècle dernier.
La centrale de Churchill Falls opère depuis les années 1970. Sa construction avait à l’époque entraîné d’importantes crues en territoire autochtone.
Située aux abords du fleuve Churchill, au Labrador, l’usine produit annuellement plus d’une trentaine de milliards de kilowattheures en électricité. Une bonne part de laquelle Hydro-Québec peut ensuite redistribuer à ses clients en raison d’une importante entente lui donnant accès jusqu’en 2041 à une part de l’énergie produite à Churchill Falls.
Selon le grand chef de la Nation innue du Labrador, partie derrière la requête en justice, Hydro-Québec s’est fait «des milliards de dollars avec ce contrat».
«Ils ne nous ont pas payé un seul sou pour les dommages faits à notre territoire», s’est insurgé Etienne Rich dans un point de presse tenu mardi.
Le grand chef Rich soutient qu’Hydro-Québec a «refusé de discuter» avec les communautés autochtones de la région.
Pourquoi quatre milliards? Il s’agit là d’une «part équitable» des profits faits par Hydro avec Churchill Falls, selon l’avocate de la Nation innue, Nancy Kleer.
«Hydro-Québec devrait faire près de 150 G$ jusqu’à la fin de son contrat, en 2041», a-t-elle évalué.
«Surpris»
La société d’État a réagi avec «surprise», mardi, à l’annonce de la Nation innue.
«Nous allons prendre connaissance de la requête», convient le porte-parole d’Hydro Gary Sutherland, avant de souligner que la Nation innue avait déjà conclu un accord avec la province de Terre-Neuve-et-Labrador pour des compensations financières liées à l’inondation de ses terres.
C’est une société de la Couronne terre-neuvienne, Nalcor, qui opère la centrale. Or, Nancy Kleer soutient qu’Hydro «a joué un important rôle dans la réalisation du projet».
«Sans Hydro-Québec, il n’y aurait pas de centrale à Churchill Falls», a-t-elle martelé.
L’équipe légale représentant les Innus se dit ouverte à une entente hors cour.
Cette poursuite envers une société d’État québécoise survient alors même que Québec doit s’expliquer sur la mort de Joyce Echaquan, une Atikamekw de Manawan, mettant la lumière sur les enjeux de réconciliation dans la province.