Joyce Echaquan aurait subi des pressions du personnel médical pour se faire avorter
Joyce Echaquan avait des appréhensions quant à ses séjours au Centre hospitalier régional de Lanaudière puisqu’elle y avait vécu de mauvaises expériences, notamment des pressions du personnel médical pour se faire avorter à trois reprises, a témoigné son conjoint, Carol Dubé.
Plus de sept mois après le décès de Joyce Echaquan à l’hôpital de Joliette, les audiences de l’enquête publique sur les circonstances entourant la mort de la mère de famille atikamekw originaire de Manawan se sont ouvertes jeudi au palais de justice de Trois-Rivières.
Le conjoint de la défunte, Carol Dubé, a été le deuxième témoin appelé à la barre après le Sergent-Enquêteur de la Division des enquêtes sur les crimes majeurs de Mascouche à la Sûreté du Québec, Martin Pichette.
Victime de mauvais traitements, selon le conjoint
Calme, mais émotif, Carol Dubé a raconté qu’il n’avait jamais été témoin de commentaires désobligeants envers Joyce lorsqu’il l’accompagnait à l’hôpital.
Toutefois, il soutient qu’elle n’était pas traitée de la même façon lorsqu’elle s’y présentait seule. «Même un de ses voisins de chambre avait remarqué que le personnel utilisait des mots racistes» envers elle, a-t-il déclaré.
Selon M. Dubé, Joyce était aussi maltraitée physiquement par certains membres du personnel. Il cite, entre autres, une fois où elle aurait été «pincée». Bien qu’elle en aurait parlé, personne ne la croyait, a-t-il ajouté.
«Elle n’a pas demandé de finir ses jours ainsi avec ces personnes qui l’insultaient, qui la méprisaient. Lui rendre justice est la meilleure chose à faire.»
– Carol Dubé, conjoint de Joyce Echaquan
Mme Echaquan avait d’abord l’habitude d’aller à l’Institut de cardiologie de Montréal pour ses problèmes de santé. Cependant, en raison du trop long trajet, son dossier a été transféré à l’établissement de Joliette qu’elle fréquentait une fois par mois, a expliqué M. Dubé.
Ce sont des douleurs au ventre d’une intensité qu’elle n’avait jamais ressentie auparavant qui ont forcé Joyce Echaquan a se rendre à l’hôpital de Joliette le samedi 26 septembre 2020. Elle est partie seule en ambulance même si elle craignait qu’on lui administre seulement de la morphine, un médicament qu’elle ne voulait plus prendre, a fait savoir Carol Dubé.
M. Dubé indique avoir parlé à sa conjointe au téléphone le samedi soir et le dimanche. «Elle disait qu’on l’avait attachée parce quelle était agitée», a-t-il raconté.
L’homme dit aussi avoir rencontré du personnel de l’hôpital le lendemain de la mort de Joyce, à l’hôpital de Joliette. On lui aurait dit qu’il n’y aurait pas d’autopsie et que le décès était une mort naturelle.
Une vidéo choquante
Le 28 septembre dernier, quelques minutes avant son décès, Joyce Echaquan a diffusé une vidéo sur Facebook dans laquelle on la voit en grande souffrance implorer à l’aide. «Ils sont en train de me surdoser de médicaments», avait-elle dit dans la langue atikamekw.
Plus tard au cours de la vidéo, on entend le personnel soignant tenir des propos racistes, condescendants et extrêmement violents envers la jeune femme. Ce sont les derniers mots que Joyce Echaquan a entendu avant de finir ses jours.
Le décès tragique de la femme autochtone et sa vidéo en direct, enregistrée par la famille puis repartagée sur les réseaux sociaux, a déclenché une onde de choc partout au Québec et ailleurs dans le monde.
Peu de temps après, le Conseil des Atikamekw de Manawan a déposé le «Principe de Joyce», une série de mesures dont l’objectif est de protéger les droits des Autochtones en matière de santé.
Ils ont également demandé à plusieurs reprises la reconnaissance du racisme systémique, ce que refuse toujours de faire le gouvernement de François Legault.
Les Atikamekws collaboreront à l’enquête
La communauté de Manawan ainsi que les membres de la Nation Atikamekw ont offert «leur appui entier» aux membres de la famille de Joyce Echaquan qui entrent dans ce processus d’enquête publique «la tête haute malgré leurs cœurs lourds».
Ils collaboreront tous à l’enquête et espèrent que celle-ci saura faire la lumière sur les circonstances entourant le décès de Joyce Echaquan. «Nous savons que leur participation entière à cette enquête aidera la vérité à jaillir», a souligné le Chef de Manawan, Paul-Émile Ottawa.
Le Grand Chef de la Nation Atikamekw, Constant Awashish, indique lui aussi avoir confiance dans le processus d’enquête du coroner sur le décès de Joyce Echaquan. «Sa famille, les Atikamekw, les Autochtones, le Québec en entier a besoin de savoir et de comprendre», a-t-il déclaré.
Si Carol Dubé se dit nerveux, il croit que l’histoire de Joyce sera entendue. «Nous nous sentons plus forts grâce à la solidarité qui nous entoure», a fait valoir le conjoint de la défunte.
Enquête publique du coroner
Les audiences publiques se poursuivent jeudi après-midi, alors que la fille et la mère de défunte seront entendues.
Rappelons que le 6 octobre dernier, la coroner en chef du Québec, Me Pascale Descary, a ordonné la tenue d’une enquête publique sur le décès de Joyce Echaquan.
C’est la coroner et avocate Géhane Kamel qui a été désignée pour présider cette enquête publique. Elle est accompagnée du coroner et médecin Jacques Ramsay, qui agit à titre d’assesseur, tout particulièrement pour les aspects médicaux de l’enquête. Me Kamel est également appuyée par deux procureurs, Me Dave Kimpton et Me Julie Roberge.
L’objectif de cette enquête publique, qui s’étendra sur trois semaines, n’est pas de déterminer la responsabilité criminelle ou civile d’une personne. Le but est plutôt de faire la lumière sur les causes et les circonstances entourant le décès et de formuler, s’il y a lieu, des recommandations visant à protéger la vie humaine.