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La Ville refuse qu’un citoyen à mobilité réduite installe un ascenseur devant chez lui

Claude Varin
Claude Varin doit descendre 23 marches pour rejoindre le trottoir. Photo: Gracieuseté/Claude Varin

Un homme à mobilité réduite se voit obliger de monter ses escaliers parce que la Ville refuse qu’il construise un ascenseur devant chez lui. La raison? Cela dénaturerait le patrimoine architectural de La-Petite-Patrie. Malgré ce «préjudice majeur», le sexagénaire a perdu sa cause devant le Tribunal des droits de la personne en raison du délai de prescription.

Claude Varin, 63 ans, est atteint de sclérose en plaques depuis 15 ans. Aujourd’hui, il se déplace en fauteuil roulant et a perdu 90% de sa vision. N’ayant jamais obtenu l’autorisation d’aménager un ascenseur devant son domicile, il doit se résigner à gravir les 23 marches de l’escalier à la force de ses bras. «Cet hiver, je ne suis sorti que quatre fois: deux fois pour aller au tribunal et deux autres pour aller chez le médecin. Pis là, ça fait deux semaines que je ne suis pas sorti», raconte M. Varin.

Pour obtenir l’autorisation requise et une compensation financière, l’ancien charpentier s’est tourné vers la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). Celle-ci s’est adressée au tribunal afin d’obtenir une réparation de 53 000$, incluant les dommages moraux et punitifs.

Cause juste, délai excessif

Dans sa décision rendue le 5 juillet, la juge Magali Lewis estime que le refus de la Ville d’octroyer un permis de construction à M. Varin «est discriminatoire, et viole son droit à l’égalité réelle ». Toutefois, en raison des délais déraisonnables, la requête de M. Varin doit être rejetée. Écorchant au passage la CDPDJ, la juge Lewis souligne qu’il s’est écoulé 5 ans et demi entre le dépôt de la plainte de M. Varin et la signification de la demande introductive d’instance.

«J’ai le droit à rien du tout, c’est hallucinant, c’est complètement absurde. J’ai tout suivi la procédure et j’ai attendu 70 mois pour rien», déplore aujourd’hui M. Varin. Il compte déposer une nouvelle demande et repartir à zéro. Il espère obtenir son permis plus facilement, maintenant que le tribunal a reconnu la légitimité de sa requête et le fait que la Ville ne l’a «pas très bien traité.»

M. Varin dit se battre non seulement pour son ascenseur, mais aussi pour les personnes à mobilité réduite de Rosemont–La Petite-Patrie.

«Quand j’ai commencé ce combat-là, il y avait un autre couple qui était dans la même situation que moi. Lui, il a abandonné le combat et il a déménagé. Ça fait que j’ai repris le bâton de pèlerin. J’aimerais faire un précédent pour que les autres handicapés n’aient pas la marde que j’ai eue.» Claude Varin ne souhaite pas déménager, car il vit dans cet appartement depuis 20 ans et l’a adapté à ses besoins.

Retour sur un long processus

En mars 2012, M. Varin s’inscrit au Programme d’adaptation à domicile (PAD). Ce programme permet aux personnes qui présentent un handicap d’obtenir un financement pour aménager leur logement. Selon la procédure, un ergothérapeute expertise son logement et recommande l’installation d’une plateforme élévatrice côté trottoir.

Le 11 mars 2013, il dépose une demande de permis à la Ville pour l’exécution des travaux d’installation. Étant donné que le duplex est situé dans une zone «significative» du quartier et que ces travaux modifieraient son apparence, la propriétaire doit soumettre son projet au Comité consultatif d’urbanisme (CCU) de l’arrondissement. Le Conseil d’arrondissement doit ensuite, après avoir consulté l’avis du CCU, décider s’il approuve ou rejette le projet de construction.

Au cours du mois de juillet 2013, des représentants de l’arrondissement lui ont indiqué qu’il était peu probable que sa demande de permis soit acceptée puisque l’arrondissement ne permet «généralement pas ce type d’installation, en façade.»

M. Varin dépose alors une plainte auprès de l’ombudsman de Montréal. Ce dernier lui indique avoir «longuement discuté avec l’arrondissement de son “devoir d’accommodement raisonnable” en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne et du concept de “contraintes excessives.» Un mois après, le CCU recommande «unanimement au conseil d’arrondissement de ne pas approuver la demande précitée.» La raison invoquée ? «La solution ne respecte pas le degré d’homogénéité de l’environnement immédiat du bâtiment et ses qualités architecturales.»

La Ville reste sourde

Le conseil d’arrondissement ne s’est jamais officiellement prononcé sur la demande de permis de construction de M. Varin, aucune confirmation écrite relative au sort de sa demande ne lui ayant été transmise. Malgré tout, lors d’une séance du conseil d’arrondissement tenue à l’été 2013, Claude Varin demande directement au maire si son projet a des chances d’aboutir. Il lui répond que «ce n’est pas dans les plans».

Le CCU lui demande alors d’installer l’ascenseur à l’arrière de son immeuble. Or, la ruelle est dangereuse pour M. Varin, car elle n’est pas déneigée l’hiver. De plus, l’entreprise de service de transport adapté offert par la Société de transport de Montréal (STM) n’accepte pas de venir chercher M. Varin dans la ruelle. Enfin, cette solution est bien plus chère à réaliser.

Contacté par Métro, l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie ne souhaite pas commenter le dossier.

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